Couverture de La Saison de l'ombre
Culture,  Lecture

La Saison de l’ombre de Léonora Miano

J’ai découvert Léonora Miano par l’intermédiaire d’Hajar [oui, encore…] qui l’avait beaucoup aimée. Peu après, j’avais entendu l’épisode de La Poudre dans lequel l’autrice était invitée : elle m’avait surtout donné envie de lire Crépuscule du tourment mais quand j’ai croisé La Saison de l’ombre, je n’ai pas hésité !

Résumé

Dans un temps indéterminé, au commencement de la traite transatlantique, nous découvrons un village perdu au milieu de la forêt subsaharienne. En ce lieu habituellement paisibles, douze hommes ont disparu après qu’un incendie ait détruit une partie des cases. Depuis cette mystérieuse disparition, leurs mères vivent recluses à la sortie du village afin que leur chagrin ne contamine pas le reste de leur communauté.

Et si les forces occultes qui les ont frappés étaient plus puissantes que ce que pensent les villageois ? Cela aurait-il un lien avec ces mystérieux “hommes-aux-pieds-de-poule” venus de l’océan ?

Ce que j’en ai pensé ?!

L’écriture de Léonora Miano m’a réellement subjuguée ! Elle est riche, poétique, emplie de métaphores qui donnent une coloration particulière à ce récit. Elle transcrit merveilleusement bien la “naïveté” du peuple mulongo face aux événements qui le frappent, face à cette réalité qui dépasse largement le cadre de leur connaissance du monde. De même, elle utilise énormément de vocabulaire issu de la langue douala camerounaise, ce qui rend le récit d’autant plus immersif. Cela complique parfois un peu la compréhension mais c’est nécessaire.

Car le peuple mulongo vit véritablement replié sur lui-même. Seuls quelques-uns de ses émissaires s’aventurent régulièrement à l’extérieur de leur territoire pour commercer avec le peuple voisin, les Bwele. Était-ce une erreur ? C’est la question que se pose la matrone Ebeise au lendemain du drame qui touche son village et lui a ravi son mari. Est-ce que leur maintien dans une posture pacifique et autarcique ne leur aurait pas porté préjudice ?

Pour certains, il est temps de s’aventurer au-dehors pour tenter de comprendre ce qu’il se passe autour d’eux. Cela va être l’occasion d’apprendre comment s’est organisé cet horrible commerce d’humains et, surtout, pourquoi les peuples voisins s’y sont adonnés.

Dans cette histoire terrible, la place des femmes est importante : c’est sur elles qu’on a fait initialement peser la faute de la disparition de leurs premiers nés. Mais, c’est surtout par certaines d’entre elles que le voile de l’ignorance va se lever pour mettre au jour ce qu’il est advenu des 12 disparus.

Chez les Mulongo, le pouvoir se transmet par la lignée maternelle. Seule la mère de Mukano était de sang royal. Mutango a toujours vécu cela comme une injustice. Il a souvent fait remarquer que ce régime reposait sur une incohérence. Si les femmes sont considérées comme des enfants jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge de la ménopause, il est absurde qu’elles transmettent la prérogative de régner, même si ce sont les hommes qui exercent l’autorité suprême. Jusque-là, le frère du chef n’a pas réussi à faire modifier la règle mais en ces temps troublés, il saura trouver des alliés pour lui prêter main-forte.

Léonora Miano joue aussi beaucoup avec l’ironie, notamment à travers le personnage exécrable de Mutango, frère du Chef Mukano et partenaire privilégié des Bwele. Celui-ci éprouve une certaine détestation pour la gent féminine et n’a que peu de respect pour la vie et les valeurs de son peuple. Malheureusement pour lui, le karma va se retourner contre lui…

Par le biais de ce roman, l’autrice a souhaité donner la parole à ceux qu’on entend rarement lorsqu’on aborde la question de l’esclavage. Elle redonne vie aux peuples qui vivaient avant la colonisation, nous ouvre les yeux sur leur monde, leur redonne voix au chapitre.

Quelle mémoire avons-nous, en effet, de la capture ? Peut-on se souvenir de ces arrachements sans dire qui étaient ceux qui les ont vécus et comment ils voyaient le monde ?

Ce fut une très belle lecture : bouleversante, parfois violente mais également porteuse d’espoir. Je vous la conseille vivement ! Et une chose est sûre : ce n’est que le premier livre que j’ai lu de Léonora Miano mais pas le dernier !

Infos pratiques

  • Autrice : Léonora Miano
  • Titre : La Saison de l’ombre
  • Édition : Pocket, 2015
  • Nombre de pages : 247 pages
  • Genre : historique
  • Challenge : ce livre me permet de valider la catégorie “livre écrit par une autrice africaine” du challenge 2019 de Mille vies en une ainsi que la catégorie de juin du Féminibooks challenge qui est un “livre sur le féminisme intersectionnel”.

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