Bois Sauvage de Jesmyn Ward
L’an dernier, j’avais découvert la plume de Jesmyn Ward grâce à son ouvrage Les moissons funèbres. Avec Bois Sauvage, l’autrice a reçu le National Book Award en 2011. Ne trouvant toujours pas Le Chant des revenants [c’est maintenant chose faite] chez le bouquiniste, je me suis laissée tenter par ce roman qui est l’un de ses premiers.
Résumé
Bois Sauvage, Mississippi. L’ouragan Katrina s’approche dangereusement mais, au grand dam de leur père, ce n’est pas ce qui préoccupe prioritairement Esch (14 ans) et ses frères. Alors que la jeune fille découvre qu’elle est enceinte, son frère Randall rêve de gagner un stage de basket qui lui permettrait d’aller à l’université tandis que Skeet bichonne sa pitbull de combat qui vient d’accoucher. Le petit dernier, Junior, court dans les jambes de ses aînés à la recherche d’un peu d’attention. Aucun ne prête attention à leur alcoolique de père qui se démène pour consolider leur maison.
Ce que j’en ai pensé ?!
Après un faux départ [j’avais oublié ce livre chez ma mère en février], j’ai replongé dans ce roman assez peu adapté à la saison. On ne va pas se mentir, j’ai lutté pour en lire la première moitié mais les avis d’Electra et de Marie-Claude me poussaient à continuer.
Le roman se découpe en 12 journées/chapitres : 10 avant l’arrivée de l’ouragan, le jour-même et le lendemain. Dès le début, l’ambiance est poisseuse : il fait chaud, Esch et ses frères évoluent dans une bicoque au milieu des bois où la terre et la poussière rougeâtre s’insinuent partout. Ils sont pauvres et leur père est constamment saoul. Pour échapper à cette vie miséreuse, chaque membre de la famille s’est choisi un refuge : pour Esch, ce sont les rêveries au sujet de Manny et la mythologie grecque qu’elle lit pour ses cours ; pour Skeet, ce sont les soins accordés à sa pitbull et ses chiots ; pour Randall, c’est le basket et, pour Junior, ce sont les nouilles chinoises et ses errances dans le soubassement de la maison.
Chacun tente de mener sa barque malgré le manque : celui de la mère [morte peu après avoir donné naissance à Junior], celui de l’argent, de la nourriture et, surtout celui de l’amour.
Mes sentiments envers les personnages étaient mêlés de dégoût et de pitié. J’ai mis du temps à m’attacher vraiment à eux. Je crois que cela vient en partie de la narration. La plume de l’autrice est assez particulière : elle mélange un langage vulgaire, très oralisé et empli de fautes de syntaxe, à des métaphores qui se veulent poétiques. Cela détonne par moments. Tout est écrit à la première personne du singulier, on suit le point de vue d’Esch.
Tout au long du roman, on ressent une certaine tension qui provient de différents éléments : la peur d’Esch d’avouer sa situation, la menace de l’ouragan et des colères du père, la mort qui rôde autour de China et l’enjeu du match de Randall.
Mais, la lumière au milieu de toute cette merde, c’est l’amour que se portent les personnages [malgré les disputes] et les grandes mains de Big H., leur voisin et meilleur ami. C’est par cette figure discrète mais toujours présente quand ils en ont besoin que viendra l’espoir…
Je ne peux pas dire que j’ai aimé ma lecture, même si la seconde partie m’a semblé plus fluide. Néanmoins, je reconnais le talent de l’autrice pour nous immerger dans son univers, si différent du nôtre. Elle parvient à proposer des personnages qui restent mystérieux mais dont on parvient à comprendre le fonctionnement. Par cette famille, elle nous permet d’appréhender ce que c’est d’être pauvre et noir dans le Mississippi du début des années 2000. Et que dire de ses descriptions post-ouragan ?! Elles font froid dans le dos !
Informations pratiques
- Titre : Bois Sauvage (Salvage the Bones)
- Autrice : Jesmyn Ward
- Traducteur : Jean-Luc Piningre
- Édition : 10/18, 2013
- Nombre de pages : 307 pages
- Genre : contemporain, drame
11 commentaires
Marie-Claude
Tu me rappelles un excellent souvenir de lecture.
Ton billet est excellent. Il montre notamment à quel point les lecteurs lisent avec leur propre bagage et affinités. Ce qui t’a déçue et sur quoi tu as buté est précisément ce qui m’a plu.
Tu sembles avoir apprécié davantage Les Moissons funèbres, et Le Chant des revenants est dans ta PAL. Tu comptes donc poursuivre la découverte de son oeuvre?
Maghily
Je suis contente de te replonger dans ce bon souvenir 🙂
Merci 🙂
Oui et souvent, quand un lecture/une lectrice présente un roman qu’il/elle n’a pas aimé mais justifie bien le pourquoi, cela peut me donner envie de le lire pour m’en faire mon propre avis ou justement parce que ses arguments me font dire que la lecture me plaira.
Oui, je compte poursuivre la lecture de son œuvre.
Et je viens de finir “Mais leurs yeux dardaient sur Dieu” de Nora Neale Hurston qui m’a fait penser à un mélange entre Toni Morrison et Jesmyn Ward.
(Je dois encore le chroniquer mais on y retrouve les ouragans, la langue vernaculaire et une héroïne forte qui a soif de liberté).
mespagesversicolores
Ce que tu dis sur la faon d’écrire me rappelle Le Chant des revenants.
Bois sauvage est aussi dans ma pal, j’espère ne pas l’abandonner en cours de route!
Maghily
Ça a l’air d’être sa marque de fabrique.
Franchement, je ne regrette absolument pas d’avoir continué ma lecture.
Et toi qui aimes les ambiances un peu glauque, ça pourrait te plaire 😀
mespagesversicolores
Tu me connais trop
Mokamilla
Le Chant des revenants est sur ma PAL. (Depuis trop longtemps.) Je ne la connaissais pas avant la médiatisation de ce titre-là.
Maghily
Moi non plus, je l’ai découverte avec la médiatisation du Chant des revenants et c’est en cherchant à me le procurer que je suis tombée sur ses autres romans/autobiographies.
Si tu aimes l’ambiance du bayou, cela te plaira.
Mokamilla
Je sais surtout à qui je vais pouvoir l’offrir.
mesechappeeslivresques
Je n’ai lu que Le chant des revenants d’elle pour lequel que je garde un bon souvenir. Les moissons funèbres sera la prochain!
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