Ceux du Nord-Ouest
Lecture

Ceux du Nord-Ouest de Zadie Smith

En mars, j’ai retrouvé le Bookclub #CeMoisCiOnLit créé par Palirausoleil et organisé chez Toutcequejaimais pour cette session consacrée à Zadie Smith. De cette autrice, j’avais beaucoup aimé White Teeth et j’avais envie de continuer à découvrir sa bibliographie avec Ceux du Nord-Ouest.

Résumé

Leah, Nathalie, Felix et Nathan ont la petite quarantaine et ont tous vécu dans la cité de Caldwell, au NO de Londres. Depuis, ils ont évolué dans des milieux très différents mais aucun d’entre eux n’a véritablement quitté le quartier. Nathalie et Leah sont toujours amies mais ne fréquentent ni Félix, ni Nathan jusqu’au jour où un même événement va bousculer leurs vies.

Ce que j’en ai pensé ?!

Ce roman est avant tout un véritable exercice de littérature, parfois complexe, qui a pu en dérouter plus d’un·e. Il est divisé en 4 grandes parties (dont une fait à la fois office d’introduction et de conclusion) : apparition, convive, hôte, traversée, apparition.

Chacune de ces parties se consacre plus particulièrement à l’un·e des protagonistes : l’autrice nous en dresse le portrait depuis l’enfance puis nous fait vivre avec elle/lui les quelques heures ou jours qui précèdent l’événement. Pour chacune de ces parties, l’autrice choisit un mode de narration propre, censé représenter le mode de pensée ou le caractère du personnage suivi [enfin, c’est comme ça que j’ai compris le concept]. Ainsi, dans la première partie, nous suivons Leah, à travers une sorte de flux de conscience relatant à la fois ses interactions de la vie de tous les jours, ses pensées quant à son passé ou sa vie actuelle, etc. C’est, pour moi, la partie durant laquelle il faut s’accrocher : j’ai moi-même été perdue à plusieurs reprises [et là, j’étais heureuse de lire ce livre en traduction]. Ce mode de narration reflète vraiment bien l’état d’esprit de Leah : frustrée de ne pas mieux gagner sa vie malgré son diplôme, en couple avec un homme qu’elle aime énormément mais qui insiste pour qu’ils s’inscrivent dans une programme de procréation médicalement assistée alors qu’elle n’a jamais voulu d’enfant [et n’a jamais osé lui dire], noyée dans sa culpabilité et ses contradictions, elle ne sait plus comment avancer dans la vie.

Une pièce pleine de femmes qui rient. Complicité féminine dont Leah est exclue. Elle pose ses mains de chaque côté du ventre rond et sourit, dans l’espoir d’agir comme une femme normale, une femme pour qui essayer est la partie la plus sympa, et aux oreilles de laquelle “tu es la suivante” ne résonne pas comme un ordre menaçant.

Ensuite, on retrouve un mode de narration plus classique (narration à la 3e personne du singulier) dans la partie consacrée à Felix. La vie de Felix, et donc le chapitre qui lui est consacré, comporte moins d’intérêt à mes yeux même si c’est avec lui qui le récit prend un tournant décisif. Ce que j’en ai principalement ressorti, c’est la description de la cité de Caldwell.

Puis, dans hôte, on s’attache au personnage de Nathalie dans une succession de micro-textes classés selon une liste numérotée. Cette partie est à mes yeux la plus intéressante car elle permet de mieux comprendre comment l’amitié de Nathalie et Leah s’est construite et, surtout, comment elle a perduré au fil des années. L’autrice y aborde la question d’être transfuge de classe et des difficultés que cela engendre pour maintenir des liens sereins avec sa famille. A travers les moments choisis pour raconter Nathalie, on découvre également son obsession de toujours donner à voir la meilleure partie d’elle-même et ce que cela a impliqué dans sa réelle connaissance d’elle-même et pour son estime personelle. C’est aussi à travers Nathalie que l’autrice aborde la question du détachement la religion dans laquelle on peut avoir été élevé. C’est un sujet qu’on retrouvait déjà dans White Teeth.

Il s’agissait là d’un phénomène que Nathalie Blake ignorait jusqu’alors : un homme reconnaissant spontanément son erreur et s’en excusant. Bien plus tard dans leurs vies, elle songea que la candeur de son mari n’était peut-être qu’une conséquence du milieu privilégié dans lequel il avait grandi. mais cet après-midi-là, sa sincérité la désarma tout simplement, et elle lui en fut reconnaissante.

Dans ce roman, il est également fortement question des ravages de la drogue et de la déchéance que cela engendre pour certains personnages. L’autrice questionne aussi le regard des autres sur les personnes droguées : quel soutien peuvent-elles ou non trouver auprès de leurs proches ou des gens qu’elles croisent régulièrement dans la rue ? Qu’est-ce que cela implique de devenir invisible aux yeux des autres ? Etc.

Nan, c’est juste que je me souviens d’un truc que disait ma mère disait. Tout le monde adore les petits Noirs quand ils ont dix ans. Avec leurs petites têtes rondes et tout. Ils sont mignons et plein de vie. Tout le monde adore les petits Noirs quand ils ont dix ans. Après ça, ils deviennent un problème. On peut pas avoir dix ans toute sa vie.

Je ne l’ai pas précisé plus tôt mais dans Ceux du Nord-Ouest, nous naviguons à nouveau dans un environnement très multiculturel. Cela influe évidemment sur la destinée et les choix des personnages que nous suivons.

Vous l’aurez compris, c’est un roman foisonnant qui approche des sujets assez sombres. J’ai aimé retrouver le ton de Zadie Smith même si je l’ai trouvé moins piquant que dans White Teeth.

Même si j’ai éprouvé quelques difficultés au début et à la toute fin de ma lecture [je ne suis d’ailleurs pas tout à fait sûre d’avoir bien saisi le dénouement], je l’ai beaucoup aimée et compte bien continuer mon exploration de l’œuvre de Zadie Smith. Swing Time m’attend bien dans ma bibliothèque et j’aimerais surtout lire On Beauty [mais je ne le trouve jamais à la librairie].

Et vous, que pensez-vous de cette autrice ?!

Infos pratiques

  • Titre : Ceux du Nord-Ouest
  • Autrice : Zadie Smith
  • Traductrice et traducteur : Emmanuelle et Philippe Aronson
  • Édition : Folio, 2020
  • Nombre de pages : 475 pages
  • Genre : contemporain

 

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