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Culture,  Lecture

Débâcle de Lize Spit

En Belgique, difficile de passer à côté du phénomène Lize Spit : une jeune autrice flamande qui a connu un grand succès des deux côtés de la frontière linguistique avec Débâcle, un roman qui ne pourra pas vous laisser indifférent·e !

Résumé

1988 est une année particulière à Bovenmeer : seuls trois enfants sont nés cette année-là. Pim, Laurens et Eva sont donc considérés comme les trois mousquetaires et font absolument tout ensemble. Enfin, jusqu’à ce fameux été 2002 où leur amitié vole en éclats.

15 ans plus tard, Eva revient dans son village natal à l’occasion d’une fête organisée par Pim pour les 30 ans que son frère Jan aurait dû fêté s’il n’était pas mort adolescent. Elle emmène avec elle un énorme bloc de glace. A quoi cela va-t-il servir ? Aurait-il un lien avec ce qu’il s’est passé ce fameux été 2002 ?!

Ce que j’en ai pensé ?!

J’ai lu il n’y a pas si longtemps qu’un fumeur pourrait se payer des vacances chaque année rien qu’avec l’argent dépensé en cigarettes. Personne ne cherche à savoir s’il y a aussi des gens qui fument pour ne pas partir en voyage avec leur famille.

Pour être honnête, j’ai rencontré pas mal de difficultés à la lecture de ce roman. Tout d’abord, sa structure est assez complexe : on alterne entre des chapitres “actuels” racontant le périple d’Eva jusqu’à Bovenmeer avec son bloc de glace ; des chapitres qui suivent chronologiquement l’ordre des événements qui ont précédés le drame de l’été 2002 et des chapitres dont le rythme est plus aléatoire, sortes de flashbacks sur l’enfance d’Eva. Les différentes lignes temporelles finissent par se rejoindre dans les derniers chapitres.

Eva grandit dans un environnement clairement dysfonctionnel : ses parents sont alcooliques, sa jeune soeur Tessie souffre de divers troubles dont aucun adulte ne semble se soucier, les autres élèves ont tendance à la rejeter plus qu’à rechercher sa compagnie. Pourtant, tant que son amitié avec Laurens et Pim perdure, Eva supporte assez bien sa situation.

Mais l’adolescence vient rabattre les cartes dans le trio : Laurens et Prim s’isolent de plus en plus “entre mecs”, leurs centres d’intérêts tournent de plus en plus autour de la sexualité. Ils commencent alors un classement des filles du village. Si Eva veut continuer à faire partie de la bande, elle doit se plier à leurs règles et accepter ces jeux qui la rebutent.

Pim a raison. Les filles les mieux notées ne sont pas forcément les plus belles : ce sont les moins disponibles. Ann-Buffalo, par exemple, n’est pas plus moche qu’une fille à huit points, mais elle été amoureuse de Pim et c’est ça qui la rend trop facile.

Dès le début du roman s’installe une ambiance tendue, un peu glauque. Au départ, on parvient difficilement à mettre le doigt sur ce qui se trame : les éléments dérangeants apparaissent au compte-goutte, de différents endroits. Ici, une allusion du père au suicide ; là, la mère qui sert le repas en titubant ; là encore, les garçons qui s’adonnent à de la maltraitance animale… Le tout raconté par une Eva qui peine à exprimer son malaise mais qui conscientise l’anormalité de ces situations. Les seuls éléments plus lumineux qui éclairent la vie d’Eva semblent être les passages à la boucherie des parents de Laurens où la mère voit Eva comme sa fille de substitution ou les moments qu’elle partage avec Tessie, bien qu’ils soient de plus en plus entachés par les troubles de cette dernière. Comment, dans ce contexte, une enfant peut-elle se développer sainement ?

C’est peut-être à ça qu’on les reconnaît, les famille où ce qui est le plus essentiel va de travers : pour compenser, elles inventent un tas de petites règles et de principes ridicules.

Plus le roman avance, plus le malaise augmente. Et en même temps, j’ai trouvé que l’on tournait un peu en rond. Certains passages auraient clairement pu être coupés ou raccourcis.

J’ai hésité plusieurs fois à poursuivre ou arrêter la lecture de ce roman. J’ai d’ailleurs fait une coupure de plusieurs mois après un passage particulièrement dégoutant qui m’avait convaincue que je n’étais vraiment pas dans le bon état d’esprit pour poursuivre. Ce qui m’a tenue, c’était ma volonté de découvrir ce que préparait Eva et de comprendre ce qui avait provoqué cette action. On peut donc considérer que l’autrice manie assez bien l’art du suspens.

Je pense retenter l’expérience avec un autre roman de Lize Spit car même si cette lecture a été particulièrement éprouvante, j’ai aimé son style. Elle fait s’exprimer Eva avec beaucoup de cynisme et d’humour noir, deux choses dont je suis friande [vous allez finir par le savoir]. Elle a également une écriture particulièrement imagée, qui permet vraiment de s’immerger dans l’univers qu’elle décrit. Je comprends donc pourquoi ce roman a été autant plébiscité.

Infos pratiques

  • Titre : Débâcle
  • Autrice : Lize Spit
  • Traductrice : Emmanuelle Tardif
  • Édition : Babel, 2020
  • Nombre de pages : 576 pages
  • Genre : contemporain

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