Lecture

La Famille Mandible : 2029 – 2047 de Lionel Shriver

Ces derniers temps, je me suis tournée, sans toujours le vouloir, vers des romans qui envisagent la fin de la société telle que nous la connaissons aujourd’hui. Et, le point commun entre ces romans, c’est que les causes de ces différents effondrements sont furieusement réalistes. Le dernier en date, c’est La Famille Mandible : 2029 – 2047 de Lionel Shriver, reçu dans le cadre du Masse Critique de Babelio de septembre.

Résumé

USA 2029 : le dollar connaît une forte dépréciation menant à l’effondrement de l’économie américaine. Sur les marchés, la nouvelle monnaie de référence devient le bancor, monnaie créée par la Chine et la Russie. Aussitôt, le pays se referme sur lui-même, empêchant toute fuite des liquidités en dehors des frontières, pour tenter de redresser la situation. Le Président, premier Latino a être arrivé à la tête de l’État Suprême, déclare la faillite nationale et réquisitionne tous les biens de sa population pour renflouer les caisses.

Les Mandible, riche famille d’une quinzaine d’héritiers voit sa fortune partir en fumée [or réquisitionné, Bons du Trésor devenus sans valeur, etc.] au point de les contraindre à vivre tous ensemble, sous un même toit. Vont-ils parvenir à tirer leur épingle du jeu ? Et si le pays se dirigeait tout droit vers la guerre civile ?!

Ce que j’en ai pensé ?!

Dans cette saga familiale particulièrement dense, Lionel Shriver aborde de nombreuses thématiques qui font, souvent, l’objet d’un sujet dans les journaux télévisés : économie, crise de l’emploi, baisse des salaires, essoufflement de l’aide sociale, coupes budgétaires, etc. Dans la famille Mandible, nous trouvons des représentants de toutes les couches de la société américaine :

  • le patriarche bientôt centenaire et riche à millions qui veille rigoureusement sur sa fortune ;
  • le fils, proche de la soixantaine, intellectuel de la classe moyenne qui attend impatiemment que l’Arrière Grand Homme [comme disent les jeunes] passe l’arme à gauche pour profiter d’une retraite dorée ;
  • Avery, sa petite fille, bien mariée à un professeur d’économie, qui travaille davantage pour s’occuper que par réel besoin d’argent et qui a enfanté 3 adolescents imbus d’eux-mêmes et extrêmement dépendants des technologies ;
  • Florence, l’idéaliste plus bohème, en couple avec Esteban, un latino spécialiste de la randonnée et qui, après avoir décroché deux diplômes qui ne lui servent à rien dans une société qui enchaîne les crises économiques, travaille dans un centre pour démunis et tente de joindre les deux bouts sans quémander d’avance sur son possible héritage ;
  • Jared, le benjamin de Carter, adepte du survivalisme et qui décide d’acheter une ferme avec sa part anticipée de l’héritage car il craint l’effondrement de la société ;
  • ou encore Willing, le fils de Florence, adolescent surdoué de 14 ans, au cynisme déconcertant, qui semble voir l’avenir avec une certaine acuité.

Tout ce beau monde a donc souvent des idées diamétralement opposées sur la manière dont il convient de gérer la crise, ce qui permet à l’autrice de nous proposer de nombreux débats dans lesquels elle fait passer ses idées sur les politiques actuelles et l’avenir qu’elles nous réservent. L’économie a, dès lors, une place prépondérante dans la vie de nos personnages, même si elle paraît souvent bien opaque à la plupart d’entre eux. L’autrice profite des joutes verbales entre Willing et son oncle pour nous proposer ce qui pourrait ressembler à des extraits tirés d’ouvrages de référence en économie. Je l’avoue, certains passages m’ont profondément ennuyée et je n’y comprenais pas grand chose.

La question du racisme est également largement abordée avec l’introduction d’un Président latino et le renversement de la suprématie des blancs d’ascendance européenne, devenus minoritaires aux USA. Cet aspect du roman a du faire s’étrangler les lecteur⋅ices les moins tolérant⋅es de l’autrice. C’est un angle intéressant pour mettre en avant le racisme qui existe aujourd’hui, plus que jamais, au pays de l’Oncle Sam [et en Europe aussi, soit dit en passant].

Ce livre est également une critique de la propension des pays développés à piller les ressources de la planète sans penser au lendemain.

Il y a de nombreux personnages stéréotypés dans ce récit, mais j’ai l’impression qu’ils s’agit d’un parti pris de la part de Lionel Shriver, pour appuyer son propos. Cependant, j’ai trouvé que cela pouvait parfois se révéler contreproductif car certains d’entre eux manquent clairement de nuances.

Dans une perspective d’abondance, l’extravagance de son épouse passait pour une forme de raffinement.Au sein de leur couple, c’était lui qui rapportait le plus d’argent et, en son for intérieur, il considérait le “cabinet” de sa femme un cran au-dessus à peine du club de lecture féminin : une gentille occupation.

La technologie est également critiquée par le biais de certains protagonistes qui leurs sont devenus complètement dépendants, au point de ne plus êtres capables de se cuisiner quoi que ce soit… Or, lorsque les ressources viennent à manquer, les machines électroniques ne sont plus d’aucune utilité.

La plume de l’autrice est souvent cynique et pleine d’ironie : elle n’hésite pas non plus à s’égratigner personnellement notamment dans les commentaires acerbes faits, par une partie de la famille, envers la littérature qui tombe en désuétude, tout comme les livres papiers [mon petit cœur de romaniste a saigné en lisant ces passages].

Florence n’en revenait pas que quelqu’un soit prêt à payer le transport d’objets aussi superflus. Son père l’avait régalée maintes fois de l’Anecdote du Grand Homme qui avait rangé tout le contenu de sa bibliothèque dans des cartons, dans l’espoir ridicule que son père stocke chez lui toutes ces expressions formelles anachroniques.

Elle distille également, ça et là, des messages féministes qui font du bien.

Finalement, c’est un roman qui peut connaître quelques longueurs mais qui se révèle absolument passionnant et, parfois, désespérément drôle.

Infos pratiques

  • Titre : La Famille Mandible : 2029 – 2047
  • Autrice : Lionel Shriver
  • Traductrice : Laurence Richard
  • Édition : 10/18, 2019
  • Nombre de pages : 648 pages
  • Genre : roman d’anticipation
  • Challenges :

Il vous tente ?! Avez-vous déjà lu d’autres romans de cette autrice ?

 

 

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