Personne ne m'aime d'Elsa Triolet
Culture,  Lecture

Personne ne m’aime d’Elsa Triolet

Ce mois-ci, le thème des nos fantastiques classiques était “Quand l’histoire raconte l’Histoire : j’avoue que je ne savais pas trop quoi lire car je n’avais que des briquasses pas peu attirantes dans ma PAL. Puis, au détour des rayonnages de ma bibliothèque communale, je suis tombée sur Personne ne m’aime d’Elsa Triolet et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que ce roman tombait parfaitement dans le thème. C’était l’occasion de découvrir cette autrice que je ne connaissais actuellement que comme l’héroïne Des yeux d’Elsa d’Aragon, étudié à l’université.

Résumé

Anne-Marie voue un culte à son amie Jenny Borghèze depuis son plus jeune âge. De 10 ans son aînée, Anne-Marie a joué le rôle de grande sœur et de baby-sitter quand Jenny était enfant et elle la retrouve alors qu’elles sont toutes deux adultes, à Paris. Anne-Marie revient des îles où elle était installée avec son médecin de mari. Jenny, quant à elle, est devenue une grande actrice, adulée par les foules. Le temps qu’Anne-Marie retrouve de quoi s’installer avec sa famille, Jenny lui propose de l’héberger.

Les mois passent et le fantôme de la guerre flotte au-dessus de Paris : l’ambiance se tend autour de Jenny, connue pour être une figure proche des mouvements communistes. Anne-Marie, qui n’y entend rien en politique, tente de comprendre les manœuvres qui se déroulent sous ses yeux sans réellement y parvenir. Jusqu’au drame qui la précipitera dans une vie qu’elle n’aurait jamais imaginé mener.

Ce que j’en ai pensé ?!

Le roman, entièrement raconté à la première personne du singulier, d’après le point de vue d’Anne-Marie se divise en deux grandes parties : la première se déroule avant la guerre. On y suit la vie relativement frivole d’Anne-Marie auprès de la despotique Jenny Borghèze. La seconde suit le basculement d’Anne-Marie dans sa nouvelle vie, après un événement assez traumatisant. La France entre en guerre et Anne-Marie se voit contrainte de quitter Paris.

Que dire de ce roman ? J’ai du mal à déterminer si je l’ai aimé ou non. Le personnage d’Anne-Marie est celui d’une femme qui semble assez naïve, peu au courant de la manière dont la France métropolitaine a évolué durant les 10 années qu’elle a passées outre-mer et peu versée vers les questions politiques [elle répète à plusieurs reprises que ce ne sont pas des sujets pour les femmes]. Or, nous suivons les événements d’après son regard : en tant que lectrice ou lecteur, nous voyons venir les choses mais Anne-Marie ne comprend pas ce qui se joue autour d’elle. Son récit se révèle parfois brouillon, ce qui m’a frustrée à plusieurs reprises. Elle se retrouve alors dans des situations qui frôlent l’absurde tant la jeune femme paraît inconsciente des dangers dans lesquels elle plonge, malgré elle.

Où je ne pouvais vraiment plus la suivre, c’était sur le terrain politique. Car Jenny avait maintenant des idées politiques et moi, je n’y comprenais rien, je ne pense jamais à la politique. Ce n’est pas fait pour les femmes. Il me semblait pourtant que Jenny était une “rouge”. François appelle les gens qui ont des idées comme Jenny des “rouges”.

Pourtant, à travers ce personnage, Elsa Triolet a souhaité faire honneur à la résistance. Au début du roman, nous pouvions imaginer que c’était le personnage de Jenny qui représenterait cette faction de la population qui a refusé le joug allemand. Mais, elle a choisit la douce et naïve Anne-Marie. Ce choix a de quoi surprendre. Jenny, elle, lui sert plutôt à dénoncer les diktats qui pèsent sur les femmes et leur corps [la pression à enfanter, l’obligation d’être mince et belle, etc.].

Le titre, Personne ne m’aime, qui revient comme une litanie tout au long du roman, est une phrase prononcée par Jenny, consciente que l’intérêt que lui portent la plupart des personnes autour d’elle n’est dû qu’à son statut d’actrice renommée. Il fait aussi référence à la situation personnelle de l’autrice qui était de plus en plus critiquée, après le succès du Goncourt obtenu en 1944.

J’avoue ne pas avoir été pleinement convaincue par ce récit : j’ai trouvé que toute la partie consacrée aux actions des résistants était remplie de clichés et de facilités. C’est une vision fantasmée de la résistance qui me paraît assez peu réaliste.

C’est dommage car le sujet était prometteur et c’était assez audacieux de la part de l’autrice de l’aborder aussi rapidement après la guerre, à une période où la France n’était pas encore prête à regarder ses erreurs en face et souhaitait tirer un trait sur ces heures sombres. D’ailleurs, ce choix n’a pas été fort apprécié par le grand public car il n’a pas connu un franc succès d’autant qu’il propose une vision assez pessimiste du retour à la paix.

Il y a une suite à Personne ne m’aime, je ne sais pas encore si je la lirai. Même si je suis curieuse de connaître la suite des aventures d’Anne-Marie, je ne suis pas sûre d’avoir envie de passer le temps d’un autre roman avec elle.

Info pratiques

  • Autrice : Elsa Triolet
  • Titre : Personne ne m’aime
  • Année de parution : 1945
  • Édition : Le Temps des cerises, 2014
  • Nombre de pages : 190 pages

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