4 livres qui parlent d'amour et de désir
Lecture

Parlons d’amour et de désir

Je vous le disais dans mon dernier article, en ce moment, je tourne un peu en boucle sur les thèmes de l’amour, du désir, des nouveaux modes de relations, etc. C’est donc l’occasion de vous partager les 4 derniers ouvrages que j’ai lus et qui traitent tous assez différemment d’amour et de désir.

Apprendre à faire l’amour d’Alexandre Lacroix

De même que ce silence est habité, hanté par les notes qui ont retenti et que sa tessiture contient la promesse des notes à venir, de même, l’immobilité au cœur du chahut sexuel est enrichie par tous les gestes qui ont été accomplis ; elle est attente aussi, et gestation d’une nouvelle tempête.

Ici, nous sommes dans un essai de philosophie qui nous propose de revoir le script de nos ébats sexuels. En effet, l’auteur nous explique que nous suivons tous trois niveaux de scripts [intrapsychiques, interpersonnels et culturels] qui mènent à un scénario quasi similaire pour toute la population occidentale [qui s’inscrit dans des relations hétérosexuelles, uniquement] de notre époque. Il appelle ce scénario le “freudporn” : quelques préliminaires [mais pas trop longs, faudrait pas que la dame y prenne trop de plaisir ;)], la pénétration, l’éjaculation [parce qu’on est quand même là pour faire des gosses, initialement] et la redescente. Or, il se questionne sur le plaisir effectif que nous prenons toutes et tous en suivant un tel scénario.

Il nous propose alors toute une série de pistes à explorer [sous le prisme de la philosophie] pour sortir de ces schémas et construire notre propre scénario. Par exemple, il s’interroge sur la notion de rythme [n’est-ce pas lui qui fait la différence entre érotisme et pornographie ?], sur la possibilité de le briser en intégrant des périodes d’immobilité, sur l’importance du regard, du rire ou de la parole dans nos ébats, etc. Chaque piste fait l’objet d’un chapitre assez court.

L’auteur dédramatise également les possibles “ratés” et en explique les raisons. Il propose des pistes pour passer outre et même, les utiliser comme “tremplins” pour relancer certains ébats.

J’ai trouvé que c’était un ouvrage intéressant, déculpabilisant, qui permet de reconsidérer nos propres pratiques. Il pourrait même faire l’objet de discussions entre partenaires, si vous vous sentez suffisamment à l’aise pour discuter de ce genre de sujets avec le/la vôtre.

Apprendre à faire l’amour, Alexandre Lacroix, Allary Éditions, 2022, 222 pages

Désirer à tout prix de Tal Madesta

Cela fait directement le lien avec le dernier ouvrage en date que j’ai lu : Désirer à tout prix de Tal Madesta qui interroge la course à la sexualité qui touche l’ensemble de notre époque.

L’ouvrage commence par une partie plus réflexive où Tal Madesta montre à quel point la sexualité [qu’elle soit partagée ou non] est devenu un impératif de notre société : si l’on a pas de sexualité, c’est qu’on a un problème, c’est que quelque chose en nous est cassé [les asexuel·les doivent apprécier…].

Dans une seconde partie, l’auteur nous donne à lire une série de témoignages qu’il a recueillis, notamment via sa page Instagram, qui viennent appuyer son discours puis qui lui permettent de proposer des solutions pour sortir de cette injonction à la sexualité, notamment en témoignant des différentes sortes d’amour et de “faire famille” qu’il existe dorénavant.

Je n’ai pas été totalement convaincue par ce texte. Même si je suis relativement d’accord sur le postulat de départ et sur une bonne partie du fond proposé, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de redondance dans un si court essai et que le fait que l’auteur utilise un peu trop son ressenti personnel [basé sur une histoire personnelle très spécifique et marquée par la violence] vient ajouter une certaine distanciation dans la lecture.

Désirer à tout prix, Tal Madesta, Binge Editions, 2022, 149 pages.

Le coût de la vie de Déborah Levy

Changement d’ambiance avec cet ouvrage qui est le deuxième volet de l’autobiographie de l’autrice. Dans ce tome, elle vient de divorcer après près de 20 ans de vie commune et s’installe avec ses deux filles dans un appartement d’un immeuble assez miteux. C’est l’occasion de réflexions sur le coût d’une séparation, notamment pour la femme qui garde la charge des enfants.

Vivre sans amour est une perte de temps. Je vivais dans la République de l’Écriture et des Enfants. Je n’étais pas Simone de Beauvoir, après tout. Non, j’étais descendue du train à un arrêt différent (mariage) et avais changé de quai (enfants). Elle était ma muse mais je n’étais certainement pas la sienne.

Ici, l’autrice parle énormément d’écriture : le fait de perdre son endroit pour écrire et le besoin d’en trouver un nouveau. La nécessité de parvenir à se remettre à écrire de manière efficace car tout le ménage compte maintenant uniquement sur ses revenus. Sur l’importance de l’amitié entre femmes, notamment, qui lui permet d’avoir ce nouvel endroit pour écrire [un cabanon dans le jardin d’une amie].

Elle décrit aussi ses discussions avec plusieurs amis masculins : la manière dont certains la (re)considèrent maintenant qu’elle est célibataire, les réflexions sur son âge et le fait qu’elle devrait vite chercher à se recaser, etc. J’ai notamment été frappée par une constatation qu’elle fait et qui la met hors d’elle : plusieurs de ses amis [hommes], lorsqu’ils parlent de la femme qui partage leur vie, semblent incapable de la nommer. C’est “ma femme”, “mon épouse”, “ma compagne” mais jamais un prénom, une entité propre qui aurait sa réalité en dehors de la réalité du couple qu’ils forment. Cela m’a interloquée. Personnellement, j’ai plutôt tendance à utiliser les prénoms des personnes dont je parle [les premières fois, je précise éventuellement notre lien pour que mon interlocuteur·ice puisse les situer] mais j’ai également remarqué ce comportement chez l’un ou l’autre de mes collègues masculins ou chez des garçons que je fréquente. Et je me demande, depuis, d’où vient cette différence ? L’avez-vous remarquée également ?

Enfin, elle parle abondamment du deuil dans la fin de l’ouvrage, ayant à affronter celui de sa maman.

C’est une œuvre très intime, merveilleusement bien écrite, qui donne envie de faire davantage attention à la manière dont nous interagissons avec les autres [et qui m’a évidemment redonné quelques velléités d’écriture :D].

Le coût de la vie, Déborah Levy, Éditions du Sous-sol, 2020, 156 pages

Vieille fille : une proposition de Marie Kock

Et je termine avec un essai qui a beaucoup résonné avec ma propre expérience. En effet, l’autrice de 43 ans est partie de sa situation personnelle : journaliste, célibataire, sans enfant et “sortie du jeu de la séduction” depuis plusieurs années. Là encore, elle s’interroge sur l’injonction qui pèse sur nous, dès notre plus jeune âge, pour se mettre en couple et faire famille [attention, le bon couple – hétérosexuel, avec enfants – les autres, on les pousse moins, ils ne servent pas aussi bien la société capitaliste] et met en avant le stigmate qui pèse sur la figure de la vieille fille.

Elle commence par refaire un historique de la figure de la vieille fille, depuis le Moyen-Age : elle parle notamment des recluses et des béguines [💜] avant de s’attarder sur la figure qu’on lui donne aujourd’hui, notamment dans la fiction [aaaah, cette chère Bridget Jones !].

Elle aborde ensuite des questions plus sociétales : la situation économique de celles qu’on considère comme vieilles filles, leur place dans les familles, les rôles qu’on leur assigne, etc.

Et puis finalement, elle se demande si ce ne serait pas une bonne situation, vieille fille aujourd’hui : la liberté, l’absence de charge mentale, la possibilité de faire famille autrement, de créer de nouveaux types de relations qui n’impliquent pas nécessairement le couple installé ensemble, etc. Elle explique comment elle a appris à réapprivoiser son corps, ses sensations [par la danse, par les massages, …], pour construire de nouveaux liens : d’amitié, notamment, où le contact sans but sexuel derrière reprendrait une place.

Un des chapitres qui m’a particulièrement touchée, c’est celui de la trace, du souvenir qu’on laisse en tant que “vieille fille” si on a pas profité de ce large temps libre qu’on a pour créer/produire quelque chose d’exceptionnel. En effet, c’est une autre injonction qui pèse sur les vieilles filles : si tu ne crées pas une famille, avec des enfants, alors tu dois publier un livre, créer un concept extraordinaire, découvrir un vaccin, … Bref, laisser une trace de toi sur Terre et justifier que tu n’avais pas le temps de procréer. C’est quelque chose qui m’a énormément parlé car comme elle, je ne risque pas d’enfanter et je ne créerais certainement jamais rien qui laisse ma trace dans ce monde. On m’oubliera vite. Mais est-ce si grave, finalement ?

Elle parle aussi de la peur de mourir seul·e qui touche beaucoup de monde et qui est une des raisons pour lesquelles on ferait des enfants. Je ne vous dévoile pas sa propre théorie, mais je la trouvais assez juste.

Bref, c’est un essai que je vous conseille que vous soyez en couple ou non, une vieille fille ou un vieux garçon, une mère épanouie ou un papy gâteau. Cela permet de relativiser pas mal de choses sur lesquelles on se met la pression ! 😉

Vieille fille : une proposition, Marie Kock, La Découverte, 2022, 212 pages.

Et vous, vous auriez d’autres essais qui parlent d’amour et de désir à me conseiller ?!

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