Culture,  Lecture

A l’est d’Eden de John Steinbeck

En ce mois de janvier, la fabuleuse équipe des fantastiques classiques s’est lancée dans la (re)découverte de John Steinbeck. Pour ma part, j’avais déjà eu la chance de lire la magnifique édition de Des Souris et des hommes illustrée par Rebecca Dautremer. Pour cette nouvelle rencontre, j’ai jeté mon dévolu sur A l’est d’Eden, roman pour lequel l’auteur a reçu le prix Nobel de littérature.

Résumé

Après une jeunesse passée dans la ferme familiale avec son père et son frère, Adam Trask décide d’aller s’installer dans la vallée de La Salinas et d’y fonder une nouvelle famille. On suit alors en parallèle l’évolution de son foyer ainsi que celle d’une famille voisine, les Hamilton dont descend John Steinbeck.

[J’en dis le moins possible, je trouve qu’il faut garder un maximum du suspens que parvient à instaurer l’auteur]

Ce que j’en ai pensé ?!

La Salinas n’était qu’une rivière saisonnière et capricieuse, tour à tour dangereuse et timide – mais nous n’avions que celle-là et nous en étions fiers. On peut être fier de n’importe quoi si c’est tout ce que l’on a. Mais moins on possède, plus il est nécessaire d’en tirer vanité.

Encore une fois, je mesure à quel point il est difficile de rendre honneur à un roman qui nous a subjugué ! Dans A l’est d’Eden, Steinbeck se propose de revisiter différents mythes bibliques, dont celui de Caïn et Abel. Pour ce faire, il se base sur l’évolution de la famille Trask sur plusieurs générations. Mais, à travers d’autres personnages, on s’aperçoit qu’il décline tout le thème de la lutte entre le Bien et le Mal.

On pourrait alors penser qu’il va nous servir une batterie de personnages stéréotypés ou manichéens mais il n’en est rien ! Car la force de ce roman provient vraiment de l’analyse fine qui est faite de chacun des protagonistes : les représentants du Mal peuvent nous montrer de bons côtés, le camp du Bien peut largement nous décevoir. Rien n’est noir ou blanc. Rien n’est totalement non plus le jeu du Destin. Car c’est là l’un des messages principaux de ce roman : chacun est responsable de ses choix, chacun PEUT choisir d’aller dans une direction ou une autre, même si la route semble toute tracée. Il est toujours possible de bifurquer, il est toujours possible de refuser “le sort”.

Je vous préviens, si vous lisez ce roman, ne vous attachez pas trop aux personnages ! Steinbeck prend un malin plaisir à faire souffrir les plus attachants : je ne sais combien de fois mon pauvre cœur a fini en miettes au cours de cette lecture. Il parvient également à nous dépeindre des personnages qu’on prend un réel plaisir à détester et dont les souffrances font presque plaisir à voir [oui, il va aiguiser votre petit côté sadique…].

A côté de la famille Trask, Steinbeck nous présente aussi la famille Hamilton dont le patriarche, Samuel, n’était pas moins que son grand-père. J’ai absolument adoré cet homme : un idéaliste, intellectuel qui ne cesse d’inventer de nouveaux concepts mais n’en obtient aucun bénéfice. C’est un philosophe avec beaucoup d’humour qui possède une certaine acuité lorsqu’il s’agit de sonder les âmes. A ses cotés, on découvre également le personnage de Lee, le domestique chinois d’Adam. Avec lui, Steinbeck peut développer ses idées contre le racisme et la xénophobie. C’est lui qui va représenter la figure maternelle dans cet univers beaucoup trop viril.

C’était Una entre ses filles, qui apportait à Samuel le plus de joie. Même petite, elle avait un appétit de savoir comme en ont les enfants pour une tartine de confiture à l’heure du goûter. Una et son père conspiraient : ils achetaient des livres, les lisaient et se communiquaient leurs remarques.

Steinbeck nous propose aussi quelques personnages féminins qui sortent des stéréotypes de l’époque : que ce soit les tenancières de bordel ; Liza, la mère de famille très dévote mais qui dirige sa fratrie d’une main de fer ; ses filles pleines d’idéaux ou Abra, l’adolescente qui ne s’en laisse pas compter, toutes sont d’une force redoutable.

A l’est d’Eden est un tableau de cette Amérique rurale où les fermiers se cassent le dos sur des terres à la fertilité plus que variable et où les plus malins [ou celleux qui ont le moins de scrupules] s’enfuient vers les villes pour se faire de l’argent facile. On voit ainsi le développement d’une société qui s’industrialise et qui rêve de pouvoir dompter la nature. Il y est également souvent question des dérives de la guerre et des nombreux mensonges des autorités, à cette occasion.

J’ai donc été plus qu’agréablement surprise par ce roman dense, subtil, empreint de poésie quand il s’agit de décrire la nature ou les sentiments des personnages. L’auteur aime également distiller quelques pointes de cynisme et d’humour noir qui m’ont fait sourire malgré les scènes parfois douloureuses qui y sont relatées. A l’est d’Eden est un véritable coup de cœur qui m’encourage à poursuivre ma découverte de la bibliographie de Steinbeck.

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