
Le pays des autres de Leïla Slimani
J’étais allée écouter Leïla Slimani parler du Pays des autres lors de la Foire du Livre de Bruxelles, en mars 2020, quelques jours à peine avant le confinement. Cinq ans plus tard, alors qu’elle publie le troisième volet de cette saga, je me suis dit qu’il était temps de m’y plonger !
Résumé
1944. Mathilde tombe amoureuse d’Amine, un soldat marocain dont la faction est installée dans son village alsacien. La jeune femme, éprise de liberté, a des envies d’ailleurs : elle accepte donc d’épouser le jeune homme et de s’installer avec lui à Meknès, après la guerre. Mais Mathilde déchante vite : dans ce nouveau pays, sa liberté est fortement réduite. Son mari, si lumineux en France, devient rongé par l’inquiétude liée au manque d’argent et ne pense plus qu’au travail… A-t-elle fait le bon choix en suivant aveuglément l’amour ?
Ce que j’en ai pensé ?!
Que plaisir de retrouver la plume de Leïla Slimani ! J’avais oublié comme elle peut être belle !
Dans Le pays des autres, nous suivons une famille qui doit apprendre à vivre avec deux cultures, dans un pays de plus en plus hostile aux colons français. Mathilde et Amine forment un couple atypique, d’autant plus dans ce pays où les femmes sont généralement soumises aux volontés des hommes de leur famille. Mathilde est plus grande que son mari, elle souhaite avoir ses propres activités lui permettant de s’épanouir en dehors de la simple gestion du foyer, elle rêve de sorties en ville et de jolies robes alors qu’elle doit passer le plus clair de son temps dans une ferme aride, éloignée de tout. Elle a connu une jeunesse très libre, sa mère étant décédée quand elle était enfant, son père lui passait tous ses caprices. Elle ne comprend pas cette nouvelle culture où les hommes sont si violents et les femmes, contraintes à l’enfermement. Amine se veut progressiste. Il est passionné par les avancées technologiques qui existent en Europe et veut les implanter dans sa ferme. Il est très fier de sa femme et de ce qu’elle accomplit à la ferme mais elle lui fait honte en société car son comportement à l’occidentale remet la masculinité d’Amine en question aux yeux des autres. Alors, par moments, ses vieux démons le reprennent et il use de la violence pour imposer ses règles à la maison et regrette de ne pas avoir choisi une docile femme marocaine. Ce roman raconte comment chacun et chacune doit aller à contre-courant de sa culture pour ne pas trop blesser l’autre.
A côté des adultes, on suit Aïcha, petite fille très intelligente, trop frêle et peureuse aux yeux de son père, qui doit lutter contre les discriminations liées à son métissage. Scolarisée dans une école catholique fréquentée par les enfants de colons, elle est victime de harcèlement de la part des autres élèves qui se moquent de ses cheveux crépus ou de sa pauvreté. Elle se réfugie dans la dévotion et les études, ce que son père ne voit pas forcément d’un bon œil. A la maison, elle s’échappe des heures durant aux quatre coins du domaine et joue avec les enfants des ouvriers de son père mais là aussi, son statut particulier l’empêche d’être pleinement intégrée.
Autour de ces trois personnages, s’inscrit un satellite de personnages secondaires (la famille d’Amine, son ancien aide de camp, un couple d’amis dont le mari est médecin originaire d’URSS et sa femme d’origine française, également). Tous et toutes permettent de nous donner une vision de ce qui se passe dans le pays, en dehors de la ferme et du noyau familial : la montée en force du nationalisme marocain, l’opposition grandissante de la vie entre le quartier européen et la médina, etc. La famille de Mathilde, quant à elle, reste lointaine : abordée essentiellement par le prisme du manque.
Le pays des autres est avant tout celui d’une volonté d’émancipation qui prend des formes différentes selon les personnages. Il témoigne également du racisme subi par les Marocains et Marocaines dans leur propre pays, de la violence des hommes sur les femmes, des riches envers les pauvres, des blancs envers les arabes. Il démontre aussi la difficulté de devoir faire face à la réalité quand celle-ci s’éloigne trop des rêves qu’on avait nourri.
J’ai été complètement happée par cette lecture et n’ai qu’une hâte : découvrir la suite !
Infos pratiques
- Titre : Le pays des autres
- Autrice : Leïla Slimani
- Édition : Folio, 2021
- Nombre de pages : 407 pages
- Genre : contemporain


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