Lecture

La Vraie Vie d’Adeline Dieudonné

Parlons aujourd’hui de LA lecture que je devais absolument faire en ce début d’année [on ne plaisante pas avec les ordres donnés par @Miss_tigri !] : La Vraie Vie d’Adeline Dieudonné.

Résumé

La narratrice de ce roman a dix ans lorsque débute cette histoire. C’est l’été, elle profite des plaisirs de la saison avec son petit frère Gilles. Jusqu’au jour où un accident traumatise ce dernier : Gilles ne sourit plus, il semble chaque jour un peu plus dévoré par des pensées morbides. Et ce ne sont pas leurs parents qui vont pouvoir les aider : ces derniers n’ont rien remarqué du mal qui ronge leur fils car le père est bien trop occupé à picoler ou à accumuler les trophées de chasse, tandis que la mère tente désespérément d’éviter les coups de cet homme violent. La petite fille ne peut donc compter que sur elle-même pour sauver Gilles.

Ce que j’en ai pensé ?!

J’avais été prévenue : ce roman peut-être violent et ne laisse pas indifférent⋅e. C’est le moins que l’on puisse dire ! Dès les premières pages, la narratrice nous plonge dans son univers de grisaille et de tension. Elle vit avec son petit frère dans un lotissement ouvrier où toutes les maisons se ressemblent, au milieu des ivrognes et des gamins mal élevés. A la maison, son père grogne et cogne sur leur mère dès que le menu ne lui plaît pas ou qu’il n’a pas eu l’occasion d’aller chasser depuis longtemps… La mort rôde autour d’eux : elle a même une pièce entière qui lui est consacrée, la chambre dans laquelle le père entasse ses trophées de chasse. Gilles et sa sœur n’ont évidemment pas le droit d’y pénétrer, au risque de déclencher de terribles colères. Et leur mère ?! C’est une “amibe”, transparente, qui cherche avant tout à se faire oublier par son mari à la main lourde.

Heureusement, il y a Gilles, son petit frère, son univers… Avec lui, elle peut rire, jouer, inventer des histoires qui lui font oublier ce monde empreint de désespoir. Jusqu’au jour où la mort les rattrape et décide de grignoter peu à peu le cerveau de Gilles. L’enfant ne rit plus et refuse de jouer avec elle, préférant s’enfermer dans la chambre interdite, au milieu des cadavres. Alors, son nouveau combat sera de rendre son sourire à Gilles, même si cela doit lui prendre des années ou lui faire prendre des risques auprès de leur père.

Cet air-là, ce que j’ai vu sur le visage de Gilles, ça n’était pas lui. Ça sentait le sang et la mort. Ça m’a rappelé que la bête rodait et qu’elle dormait dans ma maison. Et j’ai compris qu’elle vivait désormais à l’intérieur de Gilles. Mes parents n’ont rien vu. Mon père était trop occupé à commenter la télé à ma mère et ma mère était trop occupée à avoir peur de mon père.

L’autrice nous dépeint une héroïne vibrante, vive, d’une grande intelligence et qui doit parvenir à se frayer un chemin dans cette famille dysfonctionnelle. Elle vit la peur au ventre mais elle ne veut pas se laisser dévorer par celle-ci. C’est une enfant qui fait preuve d’une maturité déconcertante face aux événements qu’elle subit. Arrivée à l’adolescence, elle découvre les premiers changements qu’opère celle-ci dans son corps, les premiers émois sexuels lorsqu’elle croise le Champion… Ils lui font voir certains hommes autrement mais elle ne tarde pas à comprendre que cela change également le regard des hommes sur elle, particulièrement celui de son père… Un danger de plus dans cette maison.

Dans ce roman, l’autrice aborde des thèmes assez durs tels que la violence conjugale, la maltraitance animale ou encore les ravages de l’alcoolisme. Cela peut mener à des scènes difficile à supporter pour les âmes les plus sensibles. Néanmoins, rien n’est placé là gratuitement : ces scènes servent véritablement le récit, nous happent dans ce tourbillon de noirceur dont on ressort ébahi⋅e, au moment de refermer le roman.

Le style d’Adeline Dieudonné participe également à cette tension qui nous étreint tout au long de la lecture : ses phrases sont courtes, son écriture incisive sans être simpliste pour autant. Les mots sont savamment choisis. Il n’y a pas non plus de descriptions superflues qui viendraient ralentir le rythme. Pourtant, l’écriture est très visuelle : je n’ai eu aucun mal à me représenter l’ensemble des scènes et des personnages décrits dans cette histoire. Par contre, je ne l’avais pas remarqué avant de devoir écrire cette chronique, mais jamais le prénom de la narratrice n’est cité. Je ne sais pas ce que cela peut signifier, mais il me semblait important de le souligner.

Je ne sais pas si l’autrice est végéta*ienne ou si elle souhaitait particulièrement défendre la cause animale dans ce roman mais j’ai trouvé que cette question était souvent abordée, sous différents angles. Elle fait notamment le parallèle entre la consommation de viande rouge, saignante, du père et ses accès de violence.

J’avais remarqué que quand mon père devenait nerveux, elle servait de la viande rouge. Comme si elle espérait que la chair sanglante calmerait sa rage. Moi, je savais que le sang ne le calmait pas. Il fallait qu’il pénètre la chair vivante, que ce soit avec son poing ou une balle de 22 millimètres.

La narratrice insiste également beaucoup sur l’opposition de ses parents, en ce qui concerne leurs relations envers les animaux : le père est passionné par la chasse, tandis que la mère éprouve presque davantage de compassion pour les animaux qu’elle élève que pour les êtres humains. C’est assez rare de voir autant de références à la cause animale dans un seul roman dont cela ne semble pas être le sujet principal.

J’ai adoré La Vraie Vie, lu d’une traite tellement il m’était impossible de m’en détacher. Je vous le conseille vivement ! Et si je ne vous ai pas encore convaincu⋅e, peut-être que l’avis de Fanny sera plus efficace…

Infos pratiques

  • Autrice : Adeline Dieudonné
  • Titre : La Vraie Vie
  • Édition : L’Iconoclaste, 2018
  • Nombre de pages : 266 pages
  • Genre : littérature contemporaine
  • Challenges : ce roman me permet de valider la catégorie “Roman avec de l’herbe sur le couverture” du Challenge 2019 de Mille vies en une ainsi que la catégorie de février du FéminiBooks Challenge des Carnets d’Opalyne, “Lire le 1er roman d’une autrice”.

 

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