Couverture La force de l'âge
Culture,  Lecture

La force de l’âge de Simone de Beauvoir

Pour ce #fantastiqueclassique du mois de mars, j’ai jeté mon dévolu sur la suite des mémoires d’une Simone que j’avais déjà lues lors d’une précédente saison [il peut donc y avoir un peu de cohérence, par ici, de temps en temps…]. Avec La force de l’âge, nous suivons Simone de Beauvoir tout au long de sa vingtaine et le début de sa trentaine.

Résumé

Simone de Beauvoir raconte donc son entrée dans l’age adulte : ses débuts comme enseignante de philosophie, sa relation avec Sartre, leurs voyages et l’évolution de leurs amitiés. Vient ensuite le récit de l’entrée en guerre et du début de l’Occupation.

Ce que j’en ai pensé ?!

Dans toute mon existence, je n’ai connu aucun instant que je puisse qualifier de décisif ; mais certains se sont rétrospectivement chargés d’un sens si lourd qu’ils émergent de mon passé avec l’état des grands événements. Je me rappelle mon arrivée à Marseille comme si elle avait marqué dans mon histoire un tournant absolument neuf.

Je ne me souvenais pas d’avoir tant lutté lors de ma lecture des Mémoires d’une jeune fille rangée. Ici, j’ai mis près d’un mois pour avaler les presque 700 pages de La force de l’âge [et je n’ai pas tout à fait fini au moment où je commence cette chronique]. Cela s’explique sans doute par la typographie minuscule de mon édition… Mais aussi, et surtout, par le contenu de ce second tome.

Là où je pensais en apprendre davantage sur sa relation avec Sartre et la manière dont ils organisaient leurs “amours nécessaires et contingentes”, je fus bien déçue. Sartre n’est abordé qu’au regard des discussions et réflexions qu’ils peuvent avoir sur leurs différents travaux littéraires respectifs. Il fait aussi office de compagnon de voyage régulier mais il aurait été un simple “ami”, cela n’aurait fait aucune différence dans ce texte. Là où l’amour avait eu une place relativement prépondérante dans le premier tome, ici, on pourrait croire que Simone n’est que chasteté.

La plupart du temps, La force de l’âge ne fait qu’aborder des discussions, rencontres, relations amicales du couple Sartre-Beauvoir. Il y est notamment question à plusieurs reprises de drôles de trouples mi-amicaux, mi-amoureux qu’ils entretiennent avec des très jeunes femmes [voire filles]. A en lire L’âge de raison, ces relations seraient purement platoniques mais de ce que j’ai pu lire ailleurs, elles étaient bien plus malsaines que ce qui est entrevu ici. Et j’y ai finalement trouvé assez peu d’intérêt.

Quand Simone de Beauvoir parle des figures du monde culturel et intellectuel qu’elle fréquente, elle en parle comme si le lecteur ou la lectrice connaissait l’ensemble de leur biographie par cœur. Il en va de même pour les nombreuses œuvres qu’elle cite [livres, films, pièces de théâtre, …]. Or, même en ayant fait des études littéraires, certains noms me sont vaguement familiers [Nizan, Aron, Merleau-Ponthy, Malraux, …] mais de là à comprendre certaines de ces allusions, il y a un monde. Je trouve donc que ce texte manquait cruellement de notes de bas de page pour nous redonner un brin de contexte.

De plus, si je comprends bien, elle a écrit La force de l’âge plus de 20 ans après les faits : je me demande donc comment elle peut y retranscrire certaines conversations de manière aussi détaillées, sachant que les extraits qu’elle nous donne de son journal [la première partie concernant l’entrée en guerre en est une retranscription] entrent assez rarement dans ce genre de détails. Elle aurait donc sacrément bonne mémoire ! 😉

Les seuls moments qui m’ont réellement apporté un réel plaisir de lecture, ce sont les récits des escapades solitaires de Simone de Beauvoir : que ce soit quand elle a vécu un an du côté de Marseille ou lorsqu’elle décidait de faire des randonnées solitaires durant l’été. A chaque aventure, je suis épatée par son audace, surtout en partant avec si peu de matériel. C’est souvent l’occasion de rappeler son besoin de liberté et de solitude. Par contre, j’ai été plusieurs fois choquée de voir que même après l’entrée en guerre, elle ne voyait aucun mal à partir régulièrement en vacances “comme si de rien n’était” : encombrer les trains pour son petit plaisir perso ne la dérangeait visiblement pas. Cela vient démontrer encore une fois son côté extrêmement privilégié. Car, même si Sartre et Beauvoir aimaient à se penser de gauche [voire apolitiques], c’étaient surtout de bons gros bourgeois [d’ailleurs, elle l’avoue par moments].

J’ai également apprécié les passages où il est question du travail d’écriture de Simone de Beauvoir : elle décrit les difficultés rencontrées pour sortir un texte qui soit valable tant à ses yeux qu’à ceux d’un éditeur, elle explique les choix posés dans la rédaction de L’Invitée, etc. Cela nous permet, une nouvelle fois, de prendre conscience de la difficulté du travail d’écriture, même pour des personnes qui ont été plébiscitées pour leur œuvre. On constate également que Sarte discutait presque constamment ses œuvres avec elle, pendant leur écriture, et que, l’air de rien, elle a pas mal participé à la création littéraire du philosophe.

Bref, je ne vais pas vous mentir, avec La force de l’âge, Simone est quelque peu retombée de son piédestal et m’a presque fait tomber en panne de lecture ! 😀 Néanmoins, cela m’a donné envie de lire L’invitée et Les Mandarins, qu’elle aborde à plusieurs reprises dans ce texte. Et je pense continuer à lire la suite de ses mémoires, puisque les deux tomes de La Force des choses sont déjà dans ma trop haute pile à lire.

Infos pratiques

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