Sympathisant
Lecture

Le Sympathisant de Viet Thanh Nguyen

Comme je vous le disais dans le billet précédent sur Un bref Instant de splendeur, début juin j’ai lu Le Sympathisant de Viet Thanh Nguyen. C’est Hajar qui m’avait donné envie de me pencher sur ce roman, en 2017 – 2018. Depuis lors, j’en avais peu entendu parler : je me souvenais uniquement qu’il s’agissait d’espionnage et de guerre du Vietnam, deux sujets sur lesquels je lis assez peu.

Résumé

Le narrateur est un jeune homme, espion vietcong infiltré dans la police secrète du Vietnam du sud. Il a étudié aux USA et connait très bien la psychologie des Américains. A la chute de Saigon, il est amené à s’exiler à Los Angeles avec le général de l’armée qu’il a infiltrée afin de continuer à les espionner.

Il n’est pas seul dans son aventure : pour l’accompagner aux USA, il peut compter sur Bon, l’un de ses frères de sang intégré à l’armée du sud également et sur Man, son 2e frère de sang qui appartient au camp opposé et sert d’intermédiaire entre le narrateur et les autorités vietcongs.

Ce que j’ai pensé du Sympathisant ?

Je suis coupable d’honnêteté, ce qui aura été rarement le cas dans ma vie d’adulte.

Dès le début de l’ouvrage, le narrateur nous indique que nous lisons sa confession. Le seul doute qui subsiste jusqu’au 3/4 du roman concerne l’identité de son confesseur. Le roman est donc en grande partie écrit à la 1ère personne du singulier. Il y a quelques changements de narration à la fin du roman que j’ai trouvé très bien exécutés mais vous en parler reviendrait à vous divulgâcher une bonne partie de l’intrigue… On va donc éviter ! 😉

A quoi cela ressemble-t-il de vivre à une époque où l’on n’a pas la guerre pour seul destin, où l’on n’est pas dirigés par des pleutres et des corrompus, où son pays n’est pas un infirme maintenu en vie par l’intraveineuse de l’aide américaine ?

Mon avis sur ce roman est mitigé [j’ai l’impression d’écrire ça à chaque chronique en ce moment]. Pour tout vous avouer, j’ai hésité à lui mettre 4 étoiles sur Goodreads. Ce qui m’a fait opter pour les 3 étoiles, c’est que, malgré les atouts que je vais vous décrire bientôt, j’ai trainé ce bouquin pendant deux longues semaines et ressenti pas mal d’ennui à sa lecture [et c’était avant les mauvaises nouvelles de juin donc je ne peux même pas imputer cet ennui à ma vie perso]. Outre les longueurs qui auraient pu être évitées, je crois que cet ennui venait du fait que, par moments, je ne comprenais pas où voulait en venir le narrateur.

En effet, celui-ci est toujours tiraillé entre ses deux faces : l’espion vietcong et l’agent de la police secrète du sud. C’est d’autant plus compliqué que sa fonction l’oblige parfois à faire tomber des vietcongs ou à tuer des innocents pour maintenir sa couverture. Et cela lui pose quelques problèmes de conscience [sans dec] mais parfois, je n’arrivais plus à saisir de quel côté il nous parlait. Et je pense que c’est voulu.

A travers ce narrateur à deux visages, l’auteur critique les deux parties qui s’opposent dans cette guerre du Vietnam [sans oublier les Américains, qui en prennent aussi pour leur compte, à raison]. Il dénonce les exactions des deux camps au nom d’une liberté qui n’existera jamais qu’importe le camp choisi car la révolution est allée trop loin dans la violence pour revenir en arrière. Et dans cette horrible guerre, c’est la population qui trinque.

Dans ce roman, l’auteur critique également les nombreux ravages des différentes colonisations qui ont mené à cette guerre. Là encore, notre narrateur en est un bon exemple : bâtard né d’une mère vietnamienne et d’un père curé français, il est rejeté par ses compatriotes qui le renvoient toujours à son statut de bâtard. Le père est ainsi l’occasion de dénoncer l’hypocrisie des religieux catholiques [la mère du narrateur a été violée à 13 ans pour le mettre au monde…] qui ne respectaient pas des masses les bonnes paroles qu’ils prêchaient…

[….] les nourrissons qui se promenaient tout nus, ou à moitié nus, dans les allées de ma ville. Soit dit en passant, ce spectacle choquait nos maîtres français. Ils voyaient dans cette nudité enfantine la preuve de notre barbarie, qui elle-même justifiait leurs viols, leurs saccages et leurs pillages, au nom d’un principe supérieur : habiller nos enfants afin que les bons chrétiens dont l’esprit et la chair étaient soumis à rude épreuve soient moins tentés. Mais je m’égare !

L’auteur traite aussi de la question de l’exil et de la difficulté pour certaines personnes de s’acclimater dans leur pays d’accueil alors qu’elles ne rêvent que de rentrer au pays, ce qui leur est interdit. Parmi les exilé·es, nous avons une belle brochette de protagonistes qui témoignent des différentes manières de s’intégrer en Amérique et de ce que cela implique comme humiliation au quotidien [cela rejoint alors le roman d’Ocean Vuong].

Il est aussi question de la création d’un film américain sur la guerre du Vietnam dans la réalisation duquel notre narrateur est intégré. Et même si le scénario me semble assez différent d’Apocalypse now [mais je ne suis pas assez calée en cinéma pour l’affirmer], je me suis demandé si ce n’était pas un clin d’œil à ce film. Celui du livre montre la manière dont les perdants de cette guerre ont utilisé leur position culturelle hégémonique pour se donner le beau rôle malgré leur défaite et l’horreur de leurs exactions [et je vous invite à écouter l’épisode de Kiffe ta race sur l’agent orange pour en avoir un aperçu].

Il est aussi question de tortures, de conditions de détention, des ravages sur la nature et la santé des soldats qu’implique cette guerre… On se demande comment rester sain d’esprit dans ce contexte !

Bref, ce roman contient beaucoup de choses intéressantes. Le tout servi par une plume acérée, à l’humour piquant qui m’a arraché de nombreux sourires. Pour tout cela, j’ai trouvé ce roman brillant et cela m’attriste de ne pas l’avoir apprécié plus que cela durant ma lecture. Je suis curieuse de lire d’autres romans de l’auteur pour voir s’ils me plairaient davantage.

Et vous, vous l’avez lu ?

Infos pratiques

  • Titre : Le Sympathisant
  • Auteur : Viet Than Nguyen
  • Traducteur : Clément Baude
  • Édition : 10/18, 2018
  • Nombre de pages : 550 pages
  • Genre : contemporain
  • Thèmes : guerre, espionnage, racisme

 

 

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