Vivre avec ses morts
Lecture

Vivre avec nos morts de Delphine Horvilleur et Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo

En ce début de mai, j’ai lu successivement deux livres qui abordent la question de la mort et la judéité : Vivre avec nos morts, de Delphine Horvilleur et Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo. Ce n’était pas prévu, mais puisque ces livrent se répondent, autant vous les présenter ensemble !

Vivre avec nos morts de Delphine Horvilleur

Dans cet essai, la rabbin Delphine Horvilleur nous propose de rencontrer différentes personnes (décédées ou endeuillées) qu’elle a accompagnées pour un dernier hommage. On y entraperçoit aussi bien des personnalités publiques que des inconnues (proches de Delphine ou personnes qu’elle rencontrait pour la première fois).

Dans chacun de ses chapitres, l’autrice fait à la fois le lien entre une anecdote à propos de ces personnes et ce que cela lui évoque au regard des textes sacrés. Elle s’appuie également énormément sur ses propres expériences, réflexions ou croyances au sujet de la mort.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire au premier abord, c’est un texte très lumineux qui nous aide à mieux appréhender ce par quoi nous passerons toutes et tous et qui peut parfois nous effrayer. Elle nous apprend à laisser entrer nos morts dans nos vies pour qu’ils nous accompagnent de manière bénéfique, qu’ils nous inspirent ou nous soutiennent.

Après chaque chapitre, j’ai vraiment ressenti le besoin de m’arrêter quelques minutes pour m’imprégner de ses paroles. Certains portraits m’ont touchée plus que d’autres mais tous amènent des réflexions différentes.

C’est une lecture intéressante qui m’a ouvert de nouvelles fenêtres de compréhension sur le monde.

Édition : Vivre avec nos morts de Delphine Horvilleur, Grasset 2021, version numérique reçue via Netgalley.fr, 220 pages

Pour aller plus loin :

Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo

Ici, nous sommes davantage dans un récit d’autofiction. Comme l’auteur, Thésée a quitté sa ville après le suicide de son frère aîné et les morts successives de ses parents, pour aller vivre à Berlin. Il pense qu’en s’éloignant du lieu où vivaient ses proches, il va pouvoir couper ces liens qui semblent le faire ployer sous un poids qui risque de le tuer, lui aussi.

Mais les mois, les années passent et ce poids semble de plus en plus lourd : son corps se délite sans que les médecins ne sachent pourquoi. Thésée comprend alors qu’il va devoir fouiller dans son passé et celui des générations qui l’ont précédé pour comprendre d’où vient ce poids et s’en débarrasser.

Ici aussi, il est question de filiation car Thésée vient d’une famille judéo-espagnole qui a tenté, depuis plusieurs générations, d’être française (et de cacher ses origines). Il remonte le fil et essaye de comprendre comment les traumatismes d’il y a un siècle ou presque peuvent encore rejaillir dans le corps des vivants qui n’en n’ont même pas eu connaissance.

Même si j’ai aimé certains thèmes et réflexions proposés dans ce roman, j’ai beaucoup moins adhéré à sa forme. Passons sur le fait que l’auteur fait fi des règles classiques de ponctuation mais le ressassement des mêmes phrases, des mêmes pensées m’a lassée. Je voulais connaître le fin mot de l’histoire et découvrir avec l’auteur l’origine de ses maux mais je n’ai pris aucun plaisir à cette lecture. J’étais notamment perturbée par les différents changements de narration : une fois en « je », une fois en « tu » ou encore en « il » alors qu’on suit toujours le même narrateur, qui de temps en temps se plonge dans les archives de ses ancêtres.

C’est néanmoins un objet littéraire original : l’auteur y glisse des photos, des extraits de lettres ou de journaux intimes. Il joue aussi beaucoup avec la typographie.

J’ai aimé le fait que le narrateur prenait parfois un peu de hauteur pour parler de la société de manière plus générale : de l’exploitation des travailleurs, des enjeux environnementaux, de la charge mentale qui peut peser sur une femme qui refuse de choisir entre sa carrière ou ses enfants, …

C’est donc dommage que la forme m’ait tant rebutée car il avait de nombreux critères pour me plaire.

Édition : Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo, Verdier, 2020, 256 pages

 

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