Élégie pour un Américain de Siri Hustvedt
Cela faisait longtemps que je souhaitais découvrir la plume de Siri Hustvedt dont j’ai souvent entendu beaucoup de bien. J’ai choisi Élégie pour un Américain, un peu par hasard, puisque c’était le seul roman de l’autrice présent dans les rayonnages du bouquiniste. Et j’ai eu l’occasion de m’y plonger, en septembre, dans le cadre du club de lecture du compte Instagram d’Oxyne, @expéditions.littéraires.
Résumé
Automne 2002. Inga et Erik Davidsen retournent dans leur Minnesota natal pour les funérailles de leur père, immigré norvégien et ancien professeur d’histoire. Ils découvrent dans ses affaires une lettre mystérieuse qui laisse penser qu’il a été mêlé à la mort d’une autre personne quand il était plus jeune. Doivent-ils tenter de découvrir le secret de leur père ?
Parallèlement à leurs recherches, Inga et Erik doivent faire face à certaines difficultés du quotidien, que ce soit dans leurs vies personnelles ou professionnelles.
Ce que j’en ai pensé ?!
Qu’il est difficile d’entrer dans ce roman ! Les cent premières pages ont été une lutte constante pour comprendre de qui le narrateur nous parlait. Puis, le déclic s’est fait, je me suis habituée à son fil de pensée et la lecture est devenue plus fluide.
Toute la narration se déroule à la première personne du singulier. Nous sommes dans la peau d’Erik, psychiatre new-yorkais qui doit avoir autour de la cinquantaine, divorcé et vivant seul dans sa grande maison de Brooklyn. Au moment où débute le récit, il décide de louer le rez-de-chaussée de sa maison à Miranda, une jeune artiste, mère célibataire, et sa fille de 5 ans, Eggy.
La difficulté de suivre ce roman tient au fait qu’Erik alterne plusieurs strates de narration :
- il raconte sa vie quotidienne, ses relations avec sa sœur et sa nièce, son attirance pour sa nouvelle locataire ainsi que ses relations et discussions avec ses patients ;
- puis, régulièrement, il pose ses pensées au sujet de son père qui font souvent suite à la lecture de ses journaux intimes dont les extraits sont retranscrits dans le roman [il faut alors distinguer le “je” d’Erik du “je” de son père. Heureusement la typographie nous aide].
Plusieurs trames de suspens sont également présentes dans le récit :
- le harcèlement que subissent Erik et Miranda de la part du père d’Eggy ;
- le harcèlement qu’Inga subit de la part d’une journaliste qui enquête sur son mari, écrivain célèbre décédé d’un cancer 5 ans plus tôt ;
- l’enquête sur la fameuse mort à laquelle leur père serait lié.
Tous ces éléments s’enchaînent au fil de la vie et des pensées d’Erik. Il n’y a pas de réelle découpe en chapitres qui nous permettrait de faire la transition de l’une à l’autre, ce qui génère une partie de la complexité de ce roman.
Le thème du deuil est particulièrement prégnant dans ce roman : celui des parents, du mari mais aussi celui des diverses relations ou époques désormais révolues. Il pose aussi la question de la mémoire que nous avons des mort⋅es, de l’image d’elleux que l’on continue à diffuser auprès des vivant⋅es. Sommes-nous maître⋅esses de celle-ci ? Qui peut décider de ce qui sera transmis et de ce que l’on doit cacher aux yeux des autres ?
Elle était venue à moi avec sa confession et son désir que quelqu’un s’occupe d’elle “juste un peu”, mais il y avait aussi dans son caractère une résistance, et un besoin d’indépendance qui signifiait que personne ne serait autorisé à raconter son histoire à sa place.
Le personnage d’Erik insiste beaucoup sur sa solitude, qui semble le ronger de plus en plus et dont il a pris conscience depuis l’installation de Miranda et Eggy dans les étages inférieurs de la maison. Ses réflexions ont particulièrement résonné en moi.
Erik est un personnage parfois difficile à appréhender lorsque l’on est une lectrice tant il semble obsédé par le corps des femmes qu’il rencontre et par les projections d’ordre sexuel qu’il ne peut s’empêcher de faire quand il nous les décrit. Cela m’a parfois énervée, j’ai été surprise d’ailleurs car je ne m’attendais pas à cela dans un roman écrit par une autrice. Et j’avoue ne pas avoir compris pourquoi cela revenait aussi souvent : quel message voulait-elle faire passer exactement en lui prêtant de telles pensées ?
Miranda sourit, hocha la tête et se détourna. En raison de la chaleur, sa jupe faite d’étoffe légère lui moulait les fesses et restait prise entre ses cuisses. Cela dura un instant, et puis je la vis tirer à deux mains sur la jupe et mon bref aperçu d’un paradis voilé disparut.
L’autrice s’en est également donné à cœur joie dans le domaine de la psychanalyse, qui semble être un de ses sujets de prédilection. Par le biais d’Erik et de ses patients, elle développe plusieurs théories, réflexions qui appartiennent à cet univers ce qui amène encore un peu de complexité dans le roman. Elle aborde beaucoup la question de l’analyse des rêves : que ce soit par le biais d’Erik qui écrit ses rêves ou ceux de ses patients dans ses carnets ou par celui de Miranda qui dessine les personnages qui reviennent dans ses cauchemars.
Malgré les difficultés que j’ai pu éprouver dans ma lecture, j’ai aimé Élégie pour un Américain car il a éveillé en moi beaucoup de questionnements et de réflexions assez personnels. Il a su particulièrement me toucher. Pourtant, j’ai hésité plusieurs fois à le laisser tomber et je l’aurais peut-être fait si je ne l’avais pas lu dans le cadre de ce club de lecture.
Je suis maintenant curieuse de lire d’autres ouvrages de Siri Hustvedt, notamment Tout ce que j’aimais ainsi que l’un ou l’autre de ses essais.
Infos pratiques
- Titre : Élégie pour un Américain
- Autrice : Siri Hustvedt
- Traductrice : Christine LeBoeuf
- Édition : Actes Sud – Babel, 2010
- Nombre de pages : 416 pages
- Genre : contemporain
- Thèmes : deuil, psychanalyse, famille
Intéressé⋅e par sa bibliographie ?! Allez voir la page Expéditions littéraires, vous y trouverez de l’inspiration pour commencer votre exploration !
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