L’Invention des ailes de Sue Monk Kidd
L’Invention des ailes, je l’avais croisé à plusieurs reprises sur la blogosphère, l’année dernière, et il me faisait terriblement envie… J’ai fini par craquer lors d’une sortie chez Filigranes avec l’amoureux l’hiver dernier. Je suis vraiment contente d’avoir enfin trouvé l’occasion de le sortir de ma PAL car ce fut une très belle expérience de lecture.
Résumé
Charleston, début des années 1800. Nous suivons Sarah Grimké, fille d’un juge influent issu d’une riche famille de planteurs de Caroline du Sud qui, pour son onzième anniversaire, reçoit en cadeau une jeune esclave prénommée Hetty. Celle-ci doit devenir sa servante personnelle. Mais Sarah ne veut pas d’une esclave : malgré son jeune âge, elle a déjà des convictions assez arrêtées sur l’esclavage. Forcées de vivre ensemble, les deux fillettes vont développer une relation qui pourrait être qualifiée d’amitié. Toutes deux ont soif de liberté et vont essayer, tout au long de leur vie d’en grappiller le maximum dans les limites que leur imposent leurs conditions respectives. Malheureusement, Sarah ne peut faire d’Hetty son égale et lentement, leurs rapports vont se détériorer.
Ce que j’en ai pensé ?!
J’ai vraiment beaucoup aimé cette lecture ! Je pense que cela provient d’abord du fait que nous alternons les points de vue de Sarah et d’Hetty (dont le prénom de naissance est Handful) tout au long du roman. Chaque chapitre est écrit à la première personne, ce qui nous permet réellement de nous imprégner de leur psychologie. Le roman est découpé en plusieurs grandes parties qui correspondent à des périodes importantes de la vie des deux jeunes femmes, couvrant au total une période d’une quarantaine d’années.
Ce qui fait la force de ce roman, c’est également le caractère de ces deux personnages. Comme je l’ai dit plus haut, chacune est vraiment éprise de liberté. Sarah, en dehors de ses idées abolitionnistes est également une fervente féministe. Très intelligente, elle adore lire et se passionne pour des sujets sérieux, habituellement dédiés aux hommes. Elle souhaite ardemment devenir juriste et, lorsqu’elle comprend que sa condition de femme risque de mettre ses désirs d’avenir en péril, elle n’aura de cesse de défendre ses convictions. C’est d’autant plus difficile pour elle qu’elle vit dans une société extrêmement conservatrice et qu’elle n’obtient guère de soutien de la part de ses proches. Handful, quant à elle, va comprendre très rapidement quelles sont les limites de sa condition d’esclave. Là encore, elle ne va cesser de les repousser pour vivre une vie la plus digne possible. Ce sont deux femmes fortes qui doivent lutter contre les lois que la société leur imposent. Elles vont s’épauler dans leur combat mais elles vont également se rendre compte que leurs vies sont extrêmement différentes et que chacune possède ses propres entraves.
Ce roman nous décrit avec beaucoup de justesse les difficultés d’une vie de femme à l’époque, qu’importe sa condition et ses envies de liberté. A l’une ou l’autre occasion, nous allons, par exemple, découvrir des failles dans le personnage très strict de la mère de Sarah qui semble être totalement opposée à toute idée d’émancipation féminine. Et si cette hostilité était une façon de se protéger de ses propres regrets ? Nous suivons également Nina, la jeune sœur de Sarah dont les idées sont encore plus radicales que celles de son aînée. Leur relation est d’ailleurs extrêmement intéressante car il arrive un âge où leurs rôles s’inversent et celle qui influence l’autre n’est plus celle que l’ont croit. Parmi les esclaves, nous suivons également Charlotte, la mère d’Handful qui refuse sa condition et voudra toujours qu’on se souvienne qu’elle était libre, au moins dans son esprit.
Nous découvrons également avec horreur les conditions de vie d’une “famille” d’esclaves : le peu de considération que leurs maîtres ressentent pour eux, même s’ils estiment qu’ils les traitent de manière on ne peut plus confortable. Il est vraiment difficile pour moi d’imaginer qu’on ait pu penser d’une telle manière : que les noirs ne valaient guère plus que du bétail ou des biens matériels et qu’il fallait les brider, “pour leur propre bien”. Toute cette violence assumée, justifiée par les “Saintes Écritures” (quelle hypocrisie !) et par la volonté de conserver un niveau de vie confortable, obtenu uniquement grâce à la sueur de ces personnes qu’on exploite. Sur quarante ans, nous voyons comment évolue le “cheptel” de la famille Grimké : avec quelle désinvolture les maîtres se débarrassent d’une nourrice qui ne sert plus, d’un majordome qui s’épuise ou d’un enfant trop maladroit et qui ne fait que retarder le travail des autres, le plaisir sadique et non assumé d’affliger des “punitions” pour le bien de ces “pauvres choses” qui doivent apprendre à obéir et à respecter l’autorité, l’ingéniosité des blancs pour trouver des châtiments toujours plus cruels, etc. C’est vraiment quelque chose qui m’a bouleversée. Et pourtant, nous nous apercevons que les esclaves gardent l’espoir d’être libérés un jour (ou devrais-je dire de se libérer), profitent de chaque petit moment de plaisir que leur accorde la vie et n’hésitent pas à se révolter de manière pacifique ou non, pour défendre leurs valeurs.
Enfin, ce qui m’a fait aimer ce roman davantage, c’est d’apprendre que les sœurs Grimké ont réellement existé : qu’elles sont véritablement des figures de l’abolitionnisme et de la pensée féministe du milieu du XIXème siècle aux Etats-Unis. Cela rend la lecture de ce roman d’autant plus importante, plus concrète. Cela m’a rendue curieuse de découvrir comment s’est formé le mouvement abolitionniste et à quel point il était lié au féminisme. Je pense qu’il ouvre pour moi de nouvelles perspectives pour mieux appréhender des sujets qui m’intéressent de plus en plus.
Infos pratiques
- Autrice : Sue Monk Kidd
- Titre : L’Invention des ailes
- Edition : 10/18, 2016
- Nombre de pages : 549 pages
- Thèmes : féminisme, esclavage, histoire
- Challenge : ce roman me permet de valider ma participation au challenge de Bianca pour le mois d’octobre 2017
14 commentaires
Bianca
Très tentant ce roman, ton avis pique ma curiosité, je note !
Maghily
Il pourrait vraiment bien te plaire, je pense. 🙂
mespagesversicolores
C’est la première fois que j’en entends parler, merci de l’avoir mis sur ma route! C’est un sujet qui me passionne et ce livre s’ajoute à la liste!
Maghily
De rien ! 🙂 Contente de te l’avoir fait découvrir.
J’ai quelques lectures sur le sujet qui m’attendent dont le tant attendu Underground Railroad…
She reads a book
En voilà un qui pourrait me plaire ! 😉
Nathalie
“La vie secrète des abeilles” du même auteur était vraiment très réussie, celui-ci a l’air du même acabit 🙂
Maghily
Je ne le connais pas mais je le note ! 🙂
Cassandre
Un très bon roman !
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