Juste avant l'oubli
Lecture

Juste avant l’oubli d’Alice Zeniter

Alors que bon nombre d’entre vous se ruent sur le nouvel ouvrage d’Alice Zeniter, j’ai choisi d’aller à contre-courant et de lire Juste avant l’oubli, roman pour lequel elle a reçu le Prix Renaudot des lycéens en 2015.

Résumé

Franck, 35 ans, est infirmier à Paris et fou amoureux d’Émilie qu’il doit rejoindre sur l’ile de Mirhalay où elle vient de passer trois mois dans le cadre de sa thèse. Sur cette ile habituellement déserte, ils ne seront pas seuls puisqu’Émilie y organise, comme chaque année, les journées d’études internationales autour de l’œuvre de Galwin Donnell, mystérieux écrivain décédé à Mirhalay, après y avoir vécu 20 ans en ermite.

Ce que j’en ai pensé ?!

Ce roman comprend plusieurs arcs narratifs : le principal, écrit à la 3e personne du singulier est focalisée sur Franck et témoigne de ces quelques jours hors du temps depuis la veille de son départ pour Mirhalay jusqu’au trajet de retour. Cette trame principale est régulièrement interrompue par de courts passages se focalisant sur le point de vue d’Émilie et par des chapitres entiers constitués des textes qui auraient été prononcés comme interventions par les universitaires pour ce colloque.

Franck aimait faire lentement le tour des endroits où il arrivait. Essayer d’y lire quelque chose des précédents occupants ou de ceux qui avaient aménagé le lieu. Lorsqu’il était invité chez des gens, il passait un temps très long à détailler les titres de leur bibliothèque, cherchant à se forger une idée de leur personnalité à partir de ces données.

La prouesse d’Alice Zeniter, dans ce roman, est d’avoir créé de toutes pièces l’univers littéraire de ce fameux écrivain, Galwin Donnell, avec des extraits fictifs de ses romans, des analyses poussées de ses personnages ou de certains sujets récurrents de sa bibliographie. Néanmoins, j’avoue que ces passages m’ont assez rapidement lassée car je n’adhérais pas plus que cela à l’univers de cet auteur [clairement, je ne lirais pas son œuvre si elle existait réellement !]. Peut-être aussi que j’aurais davantage accroché s’il s’était agi d’un auteur réel dont j’aurais pu aller lire l’œuvre, me faire mon propre avis.

Ce qui m’intéressait davantage, c’était le cheminement émotionnel de Franck tout au long de son séjour. Le jeune homme est conscient que son couple bât de l’aile et voudrait pousser Émilie à s’engager à fonder une famille avec lui alors que celle-ci est davantage portée sur l’évolution de sa carrière universitaire [d’expérience personnelle, j’avais envie de lui crier que c’était pas une bonne idée du tout, mais bon…]. Ce que je trouve intéressant dans le couple que nous propose Alice Zeniter, c’est que les rôles de genre traditionnels sont ici inversés : c’est Franck qui semble “attendre” qu’Émilie soit prête à fonder une famille, qui montre une certaine sensibilité que d’aucuns trouveraient peu virile, tandis qu’Émilie refuse de sacrifier ses ambitions personnelles. Or, on se rend compte que Franck joue aussi de cette situation pour tenter d’obtenir un certain ascendant sur Émilie, la forçant à se sentir redevable des sacrifices qu’il consent.

Tu es un homme, avait répondu Émilie d’un ton excédé, et ton métier consiste plus ou moins à sauver la vie des gens. Alors je suppose que non, en effet, tu ne peux pas me comprendre. Tu ne sais pas ce que cela veut dire, avoir à prouver sa légitimité, avoir besoin de se sentir utile et reconnu, douter de sa valeur et de sa place dans la société.

Ce que j’ai également beaucoup aimé, c’est la manière dont Alice Zeniter dépeint le petit groupe d’universitaires qui investissent l’ile pendant quelques jours. Elle croque avec un humour toujours aussi piquant les petites mesquineries et l’hypocrisie qui règnent entre tous ces spécialistes qui n’hésiteraient pas à pousser leur principal rival du haut d’une falaise pour obtenir plus de notoriété dans leur petit milieu. C’était assez jouissif.

Ils parlaient en notes de bas de page sans que la conversation révélât jamais le corps du texte.

Le tout est recouvert d’une aura de mystère dû à l’environnement dans lequel se déroulent ces journées : une ile qui n’est plus habitée que par son gardien, durant le reste de l’année, et le fantôme de Galwin Donnell qui semble planer au-dessus de tout ce beau monde.

C’était une lecture prenante et agréable, avec quelques jolies fulgurances mais je n’en garderais pas un souvenir impérissable. J’ai néanmoins apprécie retrouver la plume et l’humour d’Alice Zeniter.

Infos pratiques

  • Autrice : Alice Zeniter
  • Titre : Juste avant l’oubli
  • Année de publication : 2015
  • Édition : J’ai Lu, 2019
  • Nombre de pages : 284 pages
  • Genre : contemporain

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