Les choses humaines
Culture,  Lecture

Les Choses humaines de Karine Tuil

De Karine Tuil, j’ai déjà lu et aimé L’Invention de nos vies et L’Insouciance. J’avais donc hâte de lire Les Choses humaines dont le sujet s’approchait davantage de ce qui m’intéresse au quotidien. Cette lecture clôt ma sélection pour mars au féminin 2022.

Résumé

La famille Farel est l’image même du succès : le père, Jean, est un animateur politique vedette sur l’une des plus grandes chaînes de télévision du pays ; la mère, Claire est une essayiste féministe reconnue et le fils, Alexandre, a été accepté à Stanford où il fait de brillantes études. Mais sous le vernis, les choses sont loin d’être aussi roses qu’on souhaite le laisser paraître et l’harmonie est largement absente de leur foyer. Alors, quand un événement grave touche l’un d’entre eux, c’est tout leur monde qui vole en éclat.

Ce que j’en ai pensé ?!

Tu sais ce qui arrive à ceux qui pensent qu’on peut survivre en respectant les lois morales ? Tôt ou tard, ils finissent piétinés.

Dans Les Choses humaines, Karine Tuil commence par nous planter longuement le décor, afin que nous puissions avoir une image la plus complète possible de la psychologie des différents personnages que nous suivons. Ainsi, elle alterne les chapitres qui se centrent chaque fois sur l’un des trois membres de la famille. De Jean, on découvre son besoin de contrôle, sa soif de pouvoir, sa crainte de se faire évincer de son poste. Mais aussi, sa double-vie qu’il croit si bien cacher mais qui n’est un secret pour personne, ses manigances pour contrôler la vie de ses proches et maintenir son pouvoir. Avec Claire, on aborde la question de l’enfermement dans le mariage et dans la maternité et la découverte d’une nouvelle liberté, une fois l’enfant devenu adulte. Elle redécouvre l’amour et souhaite changer de vie, loin des faux-semblants de son rôle de femme-trophée. Alexandre, quant à lui, est le prototype du jeune homme riche, pétri de privilèges à qui la vie semble toujours avoir réussi mais qui cède sous la pression de perfection que son père lui impose. Il se réfugie dans la drogue et est incapable d’établir des relations saines avec les femmes qu’ils rencontrent.

Elle avait quasiment son âge ; il ne pouvait pas s’afficher avec elle sans compromettre son image sociale. Elle lui donnerait le coup fatal : le coup de vieux.

Une fois le décor posé, Karine Tuil nous fait vivre le moment du drame qui va faire basculer la vie de tous les personnages. Nous le vivons à travers le regard de chaque personne impliquée, avec ce que cela comporte de subjectivité et d’interprétations personnelles. Il ne semble pas y avoir UNE vérité mais celle que chacun s’est construit en vivant le moment.

Enfin, dans la dernière partie, nous sommes dans ce qu’on peut appeler un récit de procès. L’autrice nous fait vivre l’ensemble des témoignages et des plaidoiries de chaque partie, jusqu’au moment du verdict. Là encore, difficile de se faire une idée précise de ce qu’il faut croire. A aucun moment l’autrice ne nous propose une version qui serait la seule et unique valable. Que du contraire, elle nous fait hésiter, au gré des témoignages et des pensées de chaque protagoniste.

Même si elle rend l’accusé particulièrement détestable, elle lui donne suffisamment de circonstances atténuantes, des regrets et de questionnements pour nous faire hésiter quant à sa culpabilité. Est-il possible qu’il n’ait réellement pas compris ce qui se jouait ? Ou bien essaie-t-il de s’en convaincre une fois que le mal est fait ?

De même, la victime n’est pas totalement une oie blanche : l’avocat de la défense met au jour certaines incohérences ou certains mensonges qu’elle a pu émettre quand elle était plus jeune. Est-elle fiable ? Est-ce qu’elle accuse car elle n’assume pas ses propres actes ? Difficile de trancher. Elle a pourtant l’air sincère, on peut difficilement remettre en cause le mal-être qui est le sien depuis l’événement.

Tout au long du récit, l’autrice s’appuie sur des faits d’actualité qui ont réellement eut lieu à l’époque où est censée se dérouler l’histoire qui nous est racontée : attentats de Toulouse et de Paris, lancement de #MeToo, viols en masse qui ont eu lieu en Allemagne, lettre pour le droit d’importuner, etc. Elle ancre profondément le récit dans le réel. Il est d’ailleurs inspiré d’un événement qui a réellement eu lieu sur le campus de Stanford. J’avoue avoir parfois cherché quelle inspiration elle pouvait avoir trouvé auprès de personnages réels pour créer les protagonistes qu’elle nous fait rencontrer.

C’est un roman qui vaut la peine d’être lu. Il aborde des sujets très actuels, difficiles et qui méritent d’être mis en avant. Il est question de culture du viol, de victime blaming, de lutte de pouvoir et de lutte de classes, de plafond de verre dans les différentes sphères du pouvoir et d’un grand nombre d’autres dérives du patriarcat. Il est également question de la vieillesse, de ce qu’elle implique selon que l’on soit un homme ou une femme et de la volonté de mourir dans la dignité. Je pense qu’il peut clairement aider les plus réfractaires à comprendre les luttes féministes d’aujourd’hui. J’en suis ressortie perplexe ne sachant pas si j’étais vraiment d’accord avec la fin choisie et ne sachant pas comment j’aurais pu la préférer autrement.

Infos pratiques

  • Autrice : Karine Tuil
  • Titre : Les Choses humaines
  • Édition : Folio, 2021
  • Nombre de pages :
  • Genre : contemporain

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