Lecture

La Petite Reine de Bahia d’Alejandro Reyes

Le roman dont je vais vous parler aujourd’hui n’est certainement pas à mettre entre toutes les mains. Gagné grâce au dernier Masse Critique de Babelio, je n’en avais jamais entendu parler jusque-là. La Petite Reine de Bahia nous fait découvrir le côté sombre de ce Brésil qui a pourtant tenté de se montrer sous un meilleur jour au cours de ces dernières semaines.

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Maria Aparecida n’a pas dix ans lorsqu’elle se retrouve seule à vivre dans la rue suite aux mauvais traitements que lui infligeait son père. Elle rencontre Betinho, un jeune homosexuel à peine plus âgé qu’elle mais déjà depuis longtemps à la rue et qui décide de prendre la petite fille sous son aile. Ensemble, ils vont braver les dangers et tenter de survivre dans les quartiers mal famés de Bahia. Ils mènent une vie sordide où les adultes jouent davantage le rôle de prédateurs que de protecteurs. Partout autour d’eux, la violence et la délinquance font rage. Au gré de leurs rencontres, ils doivent apprendre à surmonter les travers qui mènent à la drogue ou à la prostitution mais n’arrivent pas toujours à les éviter. Lentement, ils s’enfoncent dans cette misère mais gardent l’espoir d’un jour en sortir.

Plusieurs fois, j’ai failli refermer ce roman tellement les images qui me venaient étaient glaçantes, terrifiantes. Et cela d’autant plus que l’intrigue est basée sur une histoire vraie, inspirée par les enfants que l’auteur a eu l’occasion de rencontrer lorsqu’il était éducateur de rue, au Brésil. Sachant cela, difficile de mettre une distance dans cette lecture. Les situations vécues par ces enfants prennent une toute autre dimension. La violence est présente tout au long du roman, rendue plus crue encore par le côté désabusé du narrateur lorsqu’il en parle. Ce qui choque, au-delà de la monstruosité des actes qui sont souvent commis, c’est l’apparente désinvolture avec laquelle le narrateur la décrit. C’est “normal” que les enfants se fassent régulièrement violés par les adultes censés s’occuper d’eux, qu’on leur propose de se prostituer pour vivre, qu’on les batte lorsqu’ils ne font pas ce qui leur est demandé, … Difficile à intégrer pour l’Européenne bien lotie que je suis.

Mais derrière cette dénonciation de la misère dans laquelle vivent ces enfants des rues, l’auteur nous propose également un roman dans lequel l’amour et l’espérance aident les personnages à supporter leur vie. Il nous offre également une leçon de tolérance envers les milieux stigmatisés qui sont décrits tout au long de ces pages : les prostituées, les sans-abris, les homosexuels ou encore les travestis. Tous souffrent de leur situation mais tentent coûte que coûte de préserver leur estime d’eux-mêmes car ce qui les tuent, ce n’est pas la violence mais l’humiliation et le manque de respect dont font preuve leurs clients ou leurs “patrons”.

Le roman est écrit à la première personne du singulier, d’après le point de vue de Betinho, devenu adulte, qui revient sur les années vécues avec Maria Aparecida. Les mots qu’il utilise sont assez crus et son style direct, ce qui vient rajouter encore un peu plus de vulgarité à certaines situations. C’est pourquoi je pense que ce roman ne doit pas être proposé à de trop jeunes lecteurs bien que le style et l’intrigue ne soient pas trop compliqués.

Et dans tout cela, un détail m’a interloquée, l’utilisation faite du mot “vagalam” au lieu de vague à l’âme. Est-ce un jeu de mot de l’auteur transformé en français par la traductrice ou est-ce une invention de cette dernière ?! Au début, j’ai cru à une simple “faute” mais le mot revient à de nombreuses reprises dans le roman, comme un leitmotiv.

Je ne sais pas si je vous conseillerais ce roman. Je ne peux même pas dire s’il m’a plu. Je pense qu’il est utile, voire nécessaire pour éveiller une certaine prise de conscience chez les lecteurs mais sa lecture m’a tellement coûté que je ne peux pas dire que je l’ai aimé. Je remercie néanmoins les Editions Denoël pour cette découverte même si, contrairement à ce que pouvait laisser penser la couverture, elle n’a pas fait entrer le soleil et la gaieté dans mon salon !

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