Couverture d'une fièvre impossible à négocier
Culture

Une fièvre impossible à négocier de Lola Lafon

J’avais entendu Lola Lafon parler d’Une fièvre impossible à négocier dans un podcast, il y a déjà quelques années et j’avais, depuis, très envie de découvrir ce premier roman. Ce ne fut pas facile de mettre la main dessus [je ne le trouvais jamais en seconde main ou dans le fond des librairies – jusqu’à découvrir L’Affranchie] et maintenant que je l’ai lu, je suis encore plus étonnée de la réception que le roman semble avoir eu à l’époque. Lola Lafon disait que la plupart des « critiques » avaient surtout porté leur attention sur le fait que la narratrice fréquentait le milieu des squats. Or, clairement, le fond du roman, ce n’est pas ça.

Résumé

Landra, la vingtaine, souhaite devenir chanteuse et partage sa vie entre écriture et cours de danse. Et ce, jusqu’à la nuit du 14 septembre 1996 où l’homme avec qui elle travaillait régulièrement décide d’abuser d’elle. A partir de ce jour, Landra tente de disparaître : elle quitte son appartement et rejoint les squats des groupes anti-fascistes parisiens. Dans ce milieu, elle tente d’apprivoiser sa peur et de survivre en dépit de ce que cet « homme insoupçonnable » lui a fait subir.

Ce que j’en ai pensé ?!

Je me relève, et je suis vivante vivante même si je suis obligée de le dire plein de fois par jour pour que ça marche.

Une fièvre impossible à négocier est un roman largement autobiographique qui nous plonge au cœur des luttes anti-fascistes de la fin des années 90 et nous permet de vivre, avec elleux, la préparation de leurs actions militantes. J’ai trouvé cette partie très intéressante et c’est d’autant plus sidérant de constater que tout ce pourquoi ces groupes se battaient il y a plus de 25 ans est toujours d’actualité, voire est plus prégnant que jamais. C’en est presque décourageant.

Mais au-delà de cet aspect militant qui offre un contexte au roman et un terrain de jeu à Landra, ce que raconte vraiment ce livre, c’est comment un viol peut affecter la vie d’une victime. D’ailleurs, chose étonnante, je crois que le mot « viol » n’est jamais écrit dans le roman : la narratrice utilise toujours d’autres expressions pour éviter de nommer frontalement ce qu’elle a vécu. Landra vit dans la peur constante de recroiser son agresseur, qui continue d’ailleurs de la traquer dans son entourage amical et familial pour s’assurer de son silence et de sa docilité. Elle se met donc constamment en danger pour avoir une illusion de contrôle par rapport à son existence. C’est sa manière à elle de dompter cette peur.

Landra s’adresse à son agresseur tout au long du roman, comme dans une longue lettre qui lui raconte l’impact que ses actes ont eu sur elle pendant les deux années qui ont suivi la fameuse nuit du 14 septembre. Elle parle de la frustration de ne pouvoir raconter ce qui est arrivé car elle sait que personne ne la croira : l’homme en question bénéficie déjà d’une certaine notoriété dans le milieu musical et cinématographique parisien. Ouais, ça résonne pas mal avec certaines affaires qu’on a connues depuis.

Une fièvre impossible à négocier, c’est un roman qui témoigne de la colère d’une jeunesse brisée, d’une jeunesse qui ne veut pas renoncer à ses idéaux et qui est prête à se mettre en danger pour dénoncer les exactions des puissants.

J’ai parfois trouvé des longueurs dans ce premier roman : l’autrice se répète souvent. Néanmoins, j’ai été tenue en haleine tout du long et je voulais savoir comment tout cela allait se finir : Landra va-t-elle finalement oser porter plainte contre son agresseur ? Va-t-elle retrouver une vie plus stable en dehors des squats ? Pourra-t-elle recommencer à nouer des relations de confiance avec les hommes qu’elle fréquente ? Etc.

C’est un roman précurseur de ce que la littérature féministe contemporaine nous propose aujourd’hui. Je vous le conseille si vous avez envie de la petite étincelle qui vous donnera envie de tout faire flamber, en ces temps où nos gouvernements s’essuient allègrement les pieds sur la population en laissant la voie libre au fascisme et aux milliardaires pour continuer à exploiter les humains et le reste de la planète. Certes, ce livre ne me fera pas rejoindre les blacks blocs [je suis bien trop une flipette pour ça] mais il donne envie de se mobiliser, à notre niveau, pour enrayer leur machine bien trop huilée.

Infos pratiques

  • Titre : Une fièvre impossible à négocier
  • Autrice : Lola Lafon
  • Édition : Actes Sud, collection Babel, 2016
  • Année de publication : 2003
  • Nombre de pages : 328 pages
  • Challenge : en sortir 25 en 2025

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