Les fantomes du vieux pays
Lecture

Les Fantômes du vieux pays de Nathan Hill

Les Fantômes du vieux pays est le premier roman de Nathan Hill. Publié sous le titre The Nix, en anglais, il a visiblement été adapté en série avec Meryl Streep. C’est Sophie, de la chaîne Youtube Tout est politique qui en avait parlé, il y a un ou deux ans et m’avait donné envie de me pencher sur ce roman. Vu l’actualité aux USA, je me suis dit que novembre était le mois parfait pour le sortir de ma bibliothèque !

Résumé

Samuel, la quarantaine, est prof d’anglais dans une université de Chicago où il végète depuis plusieurs années, ayant renoncé à son rêve de devenir un grand écrivain. Un jour, il reçoit l’appel téléphonique d’un avocat : sa mère, Faye, qui l’a abandonné alors qu’il avait une dizaine d’années, a besoin de son aide. Elle a été arrêtée pour terrorisme et fait la Une de tous les journaux. Elle aurait attaqué un candidat à la présidentielle, connu pour ses positions très conservatrices.

Et si Samuel tenait là l’occasion d’écrire ce grand livre qu’il rêvait d’écrire ?!

Ce que j’en ai pensé ?!

Vous recherchez un roman qui vous permette de comprendre comment un Donald Trump a pu devenir président des USA ?! Avec Les Fantômes du vieux pays, Nathan Hill nous donne un semblant de réponse… Et cela ne me rassure pas spécialement pour les prochaines années…

En s’appuyant sur une rhétorique populiste anti-élites, il a peu à peu mis au point un personnage public à mi-chemin entre le prédicateur et le cow-boy qui a rencontré un écho favorable notamment parmi la classe populaire blanche conservatrice subissant de plein fouet la récession en cours.

Dans ce roman, nous suivons principalement trois grandes trames narratives : deux se déroulant au présent et la dernière, qui concerne Faye, qui démarre lors de son adolescence et remonte le temps jusqu’au présent. La trame principale concerne Samuel : nous le découvrons quelques jours avant l’appel de l’avocat, alors qu’il tente de se dépatouiller d’un conflit avec une étudiante qu’il accuse de tricherie. Il est dépeint comme un quarantenaire blasé qui, malgré son poste universitaire semble avoir raté sa vie : il déteste enseigner, n’arrive pas à rédiger la moindre page du roman qu’il doit écrire depuis 10 ans, s’est endetté pour acheter une maison qui a perdu une grande partie de sa valeur et passe la plupart de ses soirées à jouer en ligne, dans une univers parallèle appelé Elfscape.

De temps en temps, cette trame est interrompue par des chapitres qui concernent un certain Pwnage, dont on découvre qu’il est un partenaire de jeu de Samuel. Avec Pwnage, Nathan Hill nous met en garde contre les dangers de l’addiction au jeu vidéo. Ce personnage, qui a connu de lourds problèmes dans sa vie personnelle et professionnelle, s’est totalement désociabilisé et ne vit plus qu’à travers ses doubles virtuels. Ce qui a évidemment de nombreuses répercussions sur sa santé mentale et physique. Il est aussi le reflet d’une population dont le niveau de vie a beaucoup baissé ces dernières années et pour laquelle le rêve américain est bien loin…

Ce jour-là, tandis qu’il comprenait peu à peu que sa retraite devrait être repoussée de dix, voire de quinze ans, Henry avait eu cette même expression sidérée que le jour où Faye avait disparu. Une fois de plus, il était trahi par ce sur quoi il était censé pouvoir compter.

L’auteur aime jouer avec les modes de narration, pour que notre expérience de lecture se rapproche le plus possible de ce que vivent ses personnages. Certains chapitres ne se composent que de dialogues, un autre est écrit sous la forme d’un “livre dont vous êtes le héros” [une des grandes passions enfantines de Samuel], etc. Pour rendre compte de l’état psychotique dans lequel sombre peu à peu Pwnage, le dernier chapitre qui lui est consacré est rédigé quasiment en une seule phrase, qui court sur plusieurs dizaines de pages… Cela nous donne l’impression d’être en apnée. J’ai mis un certain temps avant de comprendre pourquoi j’avais cette curieuse impression à la lecture. J’ai vraiment beaucoup aimé ces jeux stylistiques.

La trame qui suit l’histoire de Faye est celle que j’ai préférée. Elle traite de nombreux sujets, passionnants de mon point de vue : l’intégration dans une communauté rurale d’Amérique lorsque l’on est un étranger, le regard scrutateur de la société quand on est une jeune fille, le poids des conventions, le besoin d’émancipation, la gestion de la santé mentale et les tabous qui l’accompagnent, etc. Le récit de Faye, c’est aussi celui d’une époque : celle de la fin des années 60, lorsque la jeunesse idéaliste manifestait contre la Guerre du Vietnam et luttait pour l’émancipation des femmes [Et guess what ?! : les violences policières, elles étaient déjà là au cas où tu penserais que c’est tout nouveau… ].

A travers les nombreux personnages que l’on croise dans cette petite brique de 950 pages, l’auteur traite de nombreuses problématiques [peut-être un peu trop ?] qui divisent encore l’Amérique d’aujourd’hui. Il démontre également comment la logique qui régit la société de l’image et du divertissement a totalement pris le contrôle de la politique, laissant de côté les idées pour le profit. Il a une plume très caustique, pleine d’ironie qui m’a beaucoup plu.

Les présentateurs se succèdent, spéculant sur les dégâts potentiels de l’impact d’un projectile lancé à pleine vitesse dans l’œil. Ils dissertent là-dessus pendant au moins dix minutes, s’appuyant sur des graphiques […]. Puis il se produit un événement qui sauve les informations de l’impasse matérielle où elles s’enfonçaient : quelqu’un a tout filmé avec une caméra numérique et a posté la vidéo sur Internet.

Que vous dire de plus ?! J’ai dévoré ce roman dont j’ai trouvé certains personnages terriblement attachants, d’autres particulièrement détestables. L’auteur joue d’ailleurs beaucoup avec nos sentiments vis-à-vis de ses protagonistes et, lorsqu’il lève le voile sur la véritable personnalité de certains, ça peut faire mal !

Infos pratiques

  • Titre : Les Fantômes du vieux pays
  • Auteur : Nathan Hill
  • Traductrice : Mathilde Bach
  • Édition : Folio, 2019
  • Nombre de pages : 950 pages
  • Genre : contemporain, saga familiale

 

 

5 commentaires

Si vous souhaitez me laisser un petit mot...