La Faute de l'abbé Mouret
Lecture

La Faute de l’abbé Mouret d’Emile Zola

Pour ce dernier épisode de la saison 2 des fantastiques classiques, j’ai décidé de rattraper mon retard dans le challenge “Lisons les Rougon-Macquart” avec La Faute de l’abbé Mouret, d’Émile Zola. On va dire que j’ai été punie pour mon manque d’originalité…

Résumé

Serge Mouret, l’un des fils du couple de Mouret que nous suivions dans La Conquête de Plassans, a maintenant 25 ans et s’est installé comme abbé aux Artaud, un plateau quasi désertique de la région où tous les habitants sont issus de la même souche. Il y vit en quasi reclus en compagnie de La Teuse, sa bonne, et de Félicitée, sa jeune sœur. Jusqu’au jour où la maladie le frappe et lui fait découvrir un autre univers, bien différent de ce qu’il a connu jusqu’à présent…

Ce que j’en ai pensé ?!

J’avais déjà quelques appréhensions avant de commencer ce roman : mes camarades de challenge avaient l’air de s’être pas mal ennuyées en le lisant et je savais qu’on allait à nouveau suivre un homme très religieux. Or, j’avais déjà eu ma dose de soutane avec La Conquête de Plassans

Dans La Faute de l’abbé Mouret, Zola laisse largement éclater son anti-cléricalisme. Entre Serge qui frôle la bêtise et la folie tant il est dévot et innocent face aux réalités du monde et le Frère Archangias qui ne cesse de faire preuve de violence et d’intolérance envers les habitants des Artaud, nous sommes servi·es ! La religion en prend clairement pour son grade au point que cela en devient caricatural à la limite de l’absurde.

Dans ce roman, Zola nous propose notamment de revisiter le mythe de la Genèse et plus précisément, la chute d’Adam et Eve dans le jardin d’Eden avec Serge dans le rôle d’Adam. Celui-ci passe sa convalescence dans le domaine du Paradou, une sorte de château abandonné entouré d’un immense jardin où vivent la jeune Albine et son vieil oncle athée. Ce sont tous deux des amis du Docteur Pascal, l’oncle de Serge. Si j’ai pu être charmée, dans un premier temps, par les magnifiques descriptions de la nature du Paradou, j’ai rapidement trouvé que Zola abusait de la métaphore : toute description de la faune et de la flore est prétexte à suggérer la luxure.

Le long du sentier, rayé de coups de soleil, des fleurs rôdaient […]. Pas un épanouissement ne se ressemblait. Les roses avaient leur façon d’aimer. Les unes ne consentaient qu’à entrebâiller leur bouton, très timides, le cœur rougissant, pendant que d’autres, le corset délacé, pantelantes, grandes ouvertes, semblaient chiffonnées, folle de leur corps au point d’en mourir.

Dans un premier temps, Serge et Albine sont présentés comme des enfants innocents qui batifolent dans les bois et les vergers, inconscients de ce qui se joue autour d’eux [ça en devient très vite ridicule], avant de se laisser peu à peu corrompre par cette nature luxuriante qui les pousse au vice, qui leur montre comment se laisser gagner par le plaisir des sens et les invite à copuler.

Puis c’est le réveil brutal, ils ont croqué le fruit défendu et la fonction de Serge se rappelle brusquement à eux. S’engage alors une lutte, du côté de Serge, pour regagner le pardon de Dieu et se laver du péché qu’importe les conséquences engendrées par cette reprise de soutane.

Bref, j’ai trouvé ce tome bien peu crédible, beaucoup trop caricatural. Encore une fois, par le prisme du Frère Archangias, les jeunes filles sont toutes présentées comme des créatures du diable, aux désirs insatiables, qui n’ont aucun respect d’elles-mêmes. Le frère est d’une misogynie crasse. La seule qui échappe à cette description est Désirée, qui est elle comparée à une bête [ce qui n’est guère mieux].

Si vous croyez, cria-t-il, que vous allez guérir le pays avec ce mariage !… Avant deux ans, Catherine sera grosse; puis les autres viendront, toutes y passeront. Du moment qu’on les marie, elles se moquent du monde… Ces Artaud poussent dans la bâtardise, comme dans leur fumier naturel. Il n’y aurait qu’un remède, je vous l’ai dit, tordre le cou aux femelles, si l’on voulait que le pays ne fut empoisonné… Pas de mari, des coups de bâton, monsieur le Curé, des coups de bâton !

Les autres personnages qui entourent Serge et Albine sont assez peu développés. Les deux seuls qui semblaient sortir du lot et avoir un tant soit peu de bon sens étaient le Docteur Pascal [qui aura droit à son tome, c’est le dernier de la saga] et le vieil oncle d’Albine. Mais ils étaient bien trop peu présents à mon goût.

L’abbé Mouret, interdit, ne trouva pas une parole. Il restait debout, au milieu d’une allée, à examiner cette étrange figure, ce solitaire couturé de rides, à la face de brique cuite, aux membres séchés et tordus comme des paquets de cordes, qui semblait porter ses quatre-vingts ans avec un dédain ironique de la vie.

Alors bien sûr, j’ai compris le message que Zola souhaitait faire passer à travers ce roman. Il n’y va pas de main morte pour dénoncer l’hypocrisie de l’Église. Encore une fois, sa plume est magnifique mais il s’est un peu trop perdu dans ce texte qui aurait pu être facilement raboté d’un tiers, ce qui l’aurait rendu moins indigeste. Et puis vraiment, faut arrêter de présenter les jeunes mecs de 15 à 25 ans comme des “enfants”, venez pas me dire qu’à l’époque, ils étaient encore couvés à ce point !

Infos pratiques

  • Titre : La Faute de l’abbé Mouret [Rougon-Macquart #5]
  • Auteur : Émile Zola
  • Édition : Le Livre de poche, 1969
  • Année de parution : 1875
  • Nombre de pages : 437 pages
  • Genre : classique, naturalisme
  • Chez mes camarades : Fanny, Moka, L’Ourse bibliophile

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