Lecture

Thérèse Desqueyroux de François Mauriac

Premier classique [et finalement dernier, ma motivation m’a lâchée en cours de route] lu pour le thème Élémentaire, mon cher Watson de décembre : Thérèse Desqueyroux de François Mauriac que j’ai décidé de faire entrer dans la catégorie “roman noir”. Alors certes, quand le récit commence, le crime a déjà été commis et la “coupable” acquittée mais j’ai considéré que cela marchait quand même.

Résumé

Thérèse rejoint la maison familiale alors qu’elle vient d’être acquittée. Elle était accusée d’avoir tenté d’assassiner son mari et s’en est sortie grâce au témoignage de ce dernier. Thérèse appréhende ce retour et les jours qui vont suivre. Quel sort lui réserve Bernard ? Vont-il continuer à jouer la mascarade de la famille unie ? Peut-il comprendre pourquoi elle a fait ce geste ?

Ce que j’en ai pensé ?!

Dans ce roman, François Mauriac nous dresse le portrait d’une criminelle qui ne peut que susciter la pitié de ses lecteurs et lectrices. L’ensemble est écrit à la première personne du singulier, du point de vue de Thérèse.

Le récit commence par une longue séquence d’introspection, durant le trajet qui ramène Thérèse auprès de son mari. La jeune femme, inquiète, cherche ce qu’elle va pouvoir dire à Bernard, comment lui expliquer pourquoi elle en est arrivée là. Pour ce faire, elle se replonge dans son passé, jusqu’à son adolescence, quand elle a rencontré la sœur de Bernard et qu’elle a décidé de se marier.

Tout ce qui précède mon mariage prend dans mon souvenir cet aspect de pureté ; contraste, sans doute, avec cette ineffaçable souillure des noces. Le lycée, au-delà de mon temps d’épouse et de mère, m’apparaît comme un paradis. Alors je n’en avais pas conscience.

Derrière la criminelle, Mauriac nous montre surtout une femme enfermée dans une existence qui ne lui convient pas. Alors qu’elle est très intelligente et cultivée [ce qui d’ailleurs, ne plait plus tant que cela à Bernard], elle doit se cantonner à son rôle de mère et d’épouse d’un homme qui manque cruellement de conversation, en dehors de la chasse et du développement de ses terres. Elle n’y trouve aucun épanouissement. Pire, elle semble même souffrir d’une dépression post-partum peu après la naissance de sa fille, ce qui lui vaut d’être très mal jugée par sa belle-famille. Alors, quand elle s’aperçoit que son mari se trompe dans la posologie de son traitement contre les problèmes cardiaques et qu’elle n’a pas le réflexe de l’avertir, elle s’en vient à imaginer un autre avenir. Et si elle pouvait se libérer de lui ?

La famille ! Thérèse laissa éteindre sa cigarette ; l’œil fixe, elle regardait cette cage aux barreaux innombrables et vivants, cette cage tapissée d’oreilles et d’yeux, où, immobile, accroupie, le menton aux genoux, les bras entourant ses jambes, elle attendait de mourir.

J’ai beaucoup aimé les thèmes exploités dans ce roman : d’abord, tout ce qui tourne autour de la condition féminine, du poids des conventions, des rôles genrés, etc. Thérèse vit dans un milieu très conservateur et misogyne où elle sait qu’elle n’obtiendra aucun soutien. Vient ensuite la question de la vengeance et de la peur du regard des autres : jusqu’où sommes-nous prêt·es à aller pour protéger notre image auprès de notre entourage ?

Le personnage de Bernard est aussi très intéressant : comment un homme qui s’est toujours senti inférieur face à son épouse, si intelligente et cultivée, réagit-il lorsqu’il reprend le pouvoir sur celle-ci ? Curieusement, la victime et le/la coupable dans cette histoire ne sont peut-être pas celui ou celle que l’on croit…

Elle s’approcha de la fenêtre, l’ouvrit. Bernard, à cet instant, connut une vraie joie ; cette femme qui toujours l’avait intimidé et humilié, comme il la domine, ce soir ! Comme elle doit se sentir méprisée ! Il éprouvait l’orgueil de sa modération.

François Mauriac est très fort pour construire la psychologie de ses personnages. J’ai été étonnée de la justesse avec laquelle il traite celui de Thérèse : il a admirablement su capter des sujets qui sont encore tabous aujourd’hui. Il parvient à instaurer une ambiance tendue pendant tout le récit, ce qui nous maintient dans l’expectative d’un drame. C’est finement joué !

Ce fut donc une agréable surprise que la lecture de Thérèse Desqueyroux : un roman qu’on pourrait qualifier de féministe, écrit par un homme, en 1927. Cela a de quoi étonner !

Infos pratiques

  • Titre : Thérèse Desqueyroux
  • Auteur : François Mauriac
  • Édition : Le Livre de Poche, 2008
  • Nombre de pages : 190 pages
  • Genre : roman noir
  • Challenges : Les classiques, c’est fantastique et Cold Winter Challenge 2021 (catégorie Scrooge)

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