Lecture

Chanson douce de Leïla Slimani

Ce roman, j’en avais entendu parler sur La Première, bien avant qu’il ne soit pressenti pour le prix Goncourt et déjà, le pitch m’avait accrochée ! Alors, une fois n’est pas coutume [en général, je préfère attendre la sortie poche], j’ai rajouté Chanson douce sur ma liste d’idées pour le Père Noël…

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Résumé

Les Massé sont un jeune couple parisien, relativement typique : lui travaille dans le secteur musical, elle a fait des études de droit mais est tombée enceinte avant de pouvoir commencer à travailler. Ils ont deux enfants : Mila est en âge d’aller à la maternelle, Adam son petit frère, est encore un bébé. Myriam est fatiguée de jouer les mères au foyer et voudrait reprendre le travail. Ils se lancent alors dans un casting minutieux pour trouver la nounou parfaite pour leurs enfants. Ils l’a trouveront dans la personne de Louise, pas loin de la cinquantaine, veuve et dont la fille unique a quitté le nid depuis longtemps. Au début, les Massé sont ravis de leur nounou : les enfants semblent l’adorer et elle n’hésite pas à jouer les fées du logis, en plus de ses attributions normales. Rapidement, ils deviennent de plus en plus dépendants d’elle et s’installe alors une ambiance pour le moins malsaine… Car Louise semble vouloir s’imposer de plus en plus dans leur vie. Jusqu’au jour où le drame se produit : Louise s’en prend aux enfants.

Ce que j’en ai pensé ?!

Alors, je vous rassure tout de suite, je ne vous ai absolument pas spolié l’entièreté du roman puisque celui-ci commence par la phrase suivante : “Le bébé est mort. Il a suffit de quelques secondes”. Directement, le décor est posé ! Leïla Slimani a donc pris le parti de commencer son récit par ce qui devrait en être le dénouement. Car l’important, dans ce roman, c’est de comprendre comment s’opère la relation de dépendance qui va doucement s’instaurer entre Louise et les Massé. La mort des enfants pourrait presque passer pour anecdotique.

Vous l’aurez compris, l’essentiel du roman tient dans la construction de la psychologie des différents personnages et l’évolution de leur relation. Myriam est une jeune femme ambitieuse qui s’est laissée dévorer par la maternité : elle n’en peut plus et rêve de sortir de son appartement, afin de donner un nouveau sens à sa vie et de se libérer des couches et des cris. Elle est au bord de la dépression lorsqu’elle prend la décision d’engager une nounou. Cette décision ne se prend évidemment pas sans une pointe de culpabilité, mais pourquoi devrait-elle sacrifier sa carrière alors que Paul s’épanouit dans la sienne ? Elle voit donc l’arrivée de Louise comme une libération et tombe rapidement dans un nouveau cercle vicieux : celui de devoir faire ses preuves sur le marché du travail, après plusieurs années d’inactivité. Je dirais que le personnage de Paul est plus transparent : il aime son boulot, il aime ses gosses et aimerait trouver uniquement le positif dans tout. Il ne semble pas vouloir s’imposer de contraintes, dans la vie. Par moments, certains comportements de Louise vont lui déplaire, mais il va avoir assez peu de réactions face à tout cela : je l’ai trouvé un peu prétentieux et donneur de leçon. Louise, quant à elle, se dévoile lentement au fil des pages… D’abord décrite comme la femme parfaite, on découvre peu à peu qu’elle cache de sombres facettes. Veuve, elle a écopé des dettes de son ex-mari et vit dans un studio relativement délabré de banlieue. Enfin, vivre est un bien grand mot : je devrais dire qu’elle y dort. Sa vie a retrouvé un semblant de sens avec ce nouveau travail chez les Massé et elle s’y plonge à corps perdu : toute sa vie ne tourne plus qu’autour de cette famille, dont elle aimerait d’un côté faire entièrement partie. Et doucement, cet intérêt vire à la psychose.

Leïla Slimani est vraiment bien arrivée à rendre compte de cet espèce de huis-clos dans lequel on suit la famille : le malaise monte peu à peu, sans que le lecteur ne parvienne exactement à mettre le doigt sur ce qui ne va pas. On sent une certaine angoisse qui nous prend à la gorge au fur et à mesure de la lecture sans comprendre exactement d’où elle vient. Louise a des problèmes, mais elle semble tellement attachée aux enfants qu’on ne voit pas vraiment ce qui va la conduire à faire ce geste. Par contre, j’ai trouvé qu’il restait de trop nombreuses zones d’ombre une fois le roman refermé : j’ai ressenti une certaine frustration, l’impression de ne pas avoir compris tout ce que j’aurais dû comprendre.

J’ai beaucoup aimé le style de l’autrice, que j’ai trouvé très fluide, incisif. Ce texte est bien écrit, il en ressort une certaine puissance. Il aborde aussi une question fortement liée au contexte dans lequel se joue cette intrigue : la place des nounous dans les noyaux familiaux aisés des grandes villes françaises. Dans l’entourage des Massé, chaque famille semble avoir une nounou et ces dernières ont des vies assez peu envieuses : elles se retrouvent dans les parcs, avec les enfants de leurs clients, et se racontent les dernières mésaventures qu’elles ont vécues à cause de ceux-ci. Elles ont généralement des journées épuisantes et vivent des situations précaires : elles sont payées une croûte de pain pour s’occuper de gosses plutôt bien lotis qui ne se rendent pas compte de leur chance et se montrent parfois ingrats ou méprisants. C’est intéressant de lire un roman au sujet de ces femmes de l’ombre de notre époque contemporaine : on pourrait avoir tendance à croire que cette époque est révolue depuis longtemps, mais visiblement pas dans tous les milieux.

J’ai donc bien aimé cette lecture même si j’en suis ressortie quelque peu frustrée. Je peux comprendre son succès, mais je n’irais pas à dire que ce fut ma meilleure lecture de l’année, loin de là.

Et vous, si vous l’avez lu, qu’en avez-vous pensé ?

Infos pratiques

  • Titre : Chanson douce
  • Autrice : Leïla Slimani
  • Edition : Gallimard, 2016
  • Nombre de pages : 227 pages
  • Genre : contemporain

12 commentaires

      • jostein59

        Parfois sans le faire exprès. Mais j’ai lu effectivement tous les Goncourt depuis 2003 et quelques uns avant. Mais j’ai raté La carte et le territoire et L’art français de la guerre.
        Par contre, je suis souvent intéressée par le Goncourt des Lycéens sauf le Dicker qui m’a déçue.

        • Maghily

          Ha oui, c’est déjà un joli palmarès surtout si ce n’est pas ton objectif initial ! 😉

          En général, je suis aussi plutôt attirée par le Goncourt des lycéens : je garde un merveilleux souvenir du Rapport de Brodeck (qui n’est pourtant pas la lecture la plus réjouissante qui soit) grâce auquel j’ai vraiment découvert ce prix.

          • jostein59

            Oui c’est un très bon souvenir de lecture pour moi aussi. Et il y a vraiment de très bons livres dans le palmarès du Goncourt des Lyceens

  • Telys

    J’ai lu ce roman avec plaisir lorsqu’on me l’a offert mais je te rejoins sur cette impression étrange de ne pas avoir tout saisi, comme s’il restait des zones d’ombres.
    Ça a quand même été une lecture coup de cœur de mon côté, parce que je n’avais jamais lu de Goncourt et je m’attendais à un style d’écriture beaucoup plus ampoulé et pesant. Alors qu’au contraire, le roman est effectivement très fluide, avec des phrases courtes et percutantes.

    • Maghily

      Les Goncourt, ça varie énormément d’une année à l’autre, je trouve. Je suis loin de les avoir tous lus mais si tu prends Au revoir là-haut, de Pierre Lemaître, c’est aussi une lecture très fluide et hyper addictive. J’avais aussi beaucoup aimé Alabama Song de Gilles Leroy qui se lit aussi très facilement… Par contre, Le Sermon sur la Chute de Rome de Jérôme Ferrari correspond davantage à l’image que tu as du Goncourt : c’était un beau roman mais assez dense, pas toujours évident à suivre. Donc, c’est un peu une roulette russe ce prix ! 😉

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