Lecture

Cet instant-là de Douglas Kennedy

Aujourd’hui, je vous emmène à la découverte de mon premier Douglas Kennedy, Cet Instant-là, un roman au contexte historico-politique passionnant mais dont certains chapitres font furieusement penser à un Harlequin mal ficelé !

Douglas-Kennedy_CetInstantlà

Thomas Nesbitt, écrivain globe-trotter américain d’une cinquantaine d’années vit désormais seul dans une maison isolée du Maine. Il est en pleine procédure de divorce après quinze ans d’un mariage sans amour qui, heureusement, lui a offert une fille qu’il adore. A la même période, il reçoit un colis d’Allemagne dont l’expéditeur n’est autre que le fils de Petra, sans grand amour perdu. Avant d’ouvrir cette lettre, il décide d’aller rechercher le manuscrit d’un roman écrit quelques années plus tôt mais qu’il n’a jamais voulu publier. Celui-ci raconte ses quelques mois passés à Berlin, en 1984, alors que la guerre froide battait son plein et que la ville était coupée en deux. C’est à cette époque qu’il a rencontré et aimé Petra, avant de la voir disparaître brutalement.

Ce roman de Douglas Kennedy m’a plu sur de nombreux points ! Pour commencer, j’ai adoré la description de cette ville défigurée par le Mur. Le narrateur parvient à nous rendre compte de l’ambiance qui imprègne les différents quartiers des deux Berlin. Dans son écriture, Kennedy a réussi à intégrer les qualités romanesques qu’il prête au travail de rédaction de Thomas Nesbitt telles que la netteté des descriptions ou la capacité à donner corps aux personnages secondaires. De cette manière, l’exploration de Berlin avec Thomas est un vrai plaisir ! Le lecteur n’a aucun mal à s’imaginer le périple. Cela m’a clairement donné envie d’aller visiter la capitale allemande, même si, comme Nesbitt l’explique à la fin de son aventure, la ville a su se réinventer après la chute du Mur.

Douglas Kennedy maîtrise également l’art du portrait que ce soient Thomas et Petra ou leurs proches moins présents, chacun bénéficie de son traitement physique et psychologique détaillé. Toutefois, il faut admettre que certains personnages sont parfois trop extrêmes pour être tout à fait réalistes et tiennent davantage du cliché : je pense, notamment à Alastair [peintre irlandais complètement barré, homosexuel et junkie qui multiplie les conquêtes d’un soir et fréquente des bars louches] ou à Haechen [espion vieillissant de la RDA, violeur, manipulateur, sale et très laid ]. Mais chaque personnage joue un rôle plus ou moins important dans l’histoire sans que l’on ait l’impression qu’il ait été ajouté là pour meubler.

Tous ces éléments mis ensemble m’ont permis de m’accrocher à ce long roman malgré certaines faiblesses pour le moins horripilantes.

Tout d’abord, avouons qu’il est assez long à démarrer ! Avant que le héros ne se plonge dans ses souvenirs berlinois, l’auteur nous abreuve de détails sur son enfance malheureuse au sein d’une famille désunie dont les principales conséquences sont une incapacité chronique à se laisser aimer et une tendance maladive à prendre la fuite. On passe ensuite à son mariage raté avec une avocate trop peu chaleureuse et on revient à l’échec de sa première vraie relation sentimentale qui l’a poussé à partir à l’aventure à l’autre bout de la planète. Tout ça nous occupe pendant le premier quart du roman.

Mais l’élément qui fait que j’ai bien failli éteindre définitivement ma tablette [du moins, tant que je n’y avais rien chargé d’autre], c’est le caractère “gnangnantisant” au possible que l’auteur donne à ” LA grande histoire d’amour de Thomas”. Tous les clichés du roman à l’eau de rose pour midinettes qui n’ont pas encore connu la chose sont réunis : le coup de foudre au premier regard, le “je-ne-mérite-pas-son-amour-mais-je-voudrais-tellement-qu’il/elle-m’aime-quand-même“, la grande déclaration d’amour mutuelle au premier rendez-vous, la fuite de la fille qui n’assume pas ce qu’elle vient de dire, les retrouvailles au lit, qu’ils ne quittent plus parce qu’ils font l’amour au moins six fois par jour ne s’arrêtant que pour se contempler dans le blanc des yeux, …. Bref, je m’arrête là, vous avez compris le topo ! Pendant une cinquantaine de pages, ce genre de niaiseries s’accumulent faisant presque penser à une parodie d’Harlequin tellement c’est gros ! J’en suis venue à attendre avec impatience le moment de leur séparation pour en être sauvée ! Alors, vraiment, je n’ai pas compris. Est-ce que les relations sentimentales sont toujours traitées comme cela dans les romans de Douglas Kennedy ?! Cela m’a d’autant plus déçue que j’ai trouvé tout le reste du roman vraiment bon.

Pour vous donner une idée : voilà la conclusion de leur tout premier rendez-vous. Ils se sont croisés pour la première fois, une semaine plus tôt…

– Ça ne va pas Petra ?

– Je ne peux pas…

Frissonnante, elle a caché ses yeux derrière ses doigts. Quand j’ai voulu lui caresser la main, elle m’a repoussé et elle a répété, de façon presque inaudible :

– Je ne peux pas…

– Tu ne peux pas quoi ?

– Il vaut mieux que tu partes, Thomas, c’est mieux pour toi.

– Comment ?

– Va-t-en, protège-toi.

– M’en aller ? Pas question. Je ne vais pas te laisser me… nous faire ça. Pas alors que je sais que nous…

– Je le sais aussi ! Je l’ai su dès la première fois que je t’ai vu. Et c’est pour ça que je te demande de partir. Parce que c’est impossible…

– Qu’est-ce qui est impossible ? Pourquoi ? Tu représentes tellement pour moi déjà, tu …

Elle s’est levée d’un bond, elle a attrapé son paquet de cigarettes et elle a prononcé trois mots dans un souffle :

– Ich liebe dich.

J’en ressors donc avec une impression plus que moyenne ! Ce roman m’a passionnée à bien des moments concernant toute l’histoire de l’Allemagne désunie mais m’a aussi terriblement désespérée lorsqu’il était question de la romance entre les protagonistes [et je ne vous ai même pas parlé des dialogues… !]. Je reste gentille quand ma cotation parce que j’y ai vraiment appris des choses !

Ma note : 

love3

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