Lecture

Manuel de survie à l’usage des incapables de Thomas Gunzig

Quel étrange titre pour le nouveau roman de Thomas Gunzig (d’ailleurs, suffit de regarder l’air intrigué des gens qui observent mon livre dans le métro…) ?! Et force est de constater que l’univers qu’il nous dépeint est encore plus [code]barré !

Mêlant science fiction et réalisme exacerbé, l’auteur nous plonge dans un avenir plus ou moins proche où chaque atome présent sur Terre (et même ailleurs) a été racheté par les grandes entreprises privées : toute la nourriture est génétiquement modifiée, les humains sont désormais upgradables par le biais de leur ADN (les parents n’enfantent plus, ils téléchargent des versions de progéniture) et même les animaux portent des code-barres indiquant s’ils font partie d’un élevage ou s’ils vivent à l’état “sauvage”.

Gunzig_Manuel_survie

Dans cet univers qui ne semble régi que par le code de commerce et la loi sur le copyright, un drame est en train de se jouer : Martine Laverdure, caissière dans LE supermarché, fréquente l’un de ses collègues, ce qui est formellement interdit. Alors, le DRH et le directeur du magasin chargent Jean-Jean, chef de la sécurité, de faire tomber les deux tourtereaux afin de les licencier et par conséquent, de préserver l’équilibre du magasin. Malheureusement, les choses ne se passent pas comme prévu et Martine succombe à l’entrevue, Ses enfants, obtenus en bidouillant le code génétique d’un loup, truands adeptes du grand banditisme, décident alors de venger dans le sang la mort de leur mère. Jean-Jean va-t-il échapper au carnage ? Cela va-t-il impacter les bénéfices annuels du supermarché ?

Terriblement noir et cynique, ce roman dénonce les dérives de notre société de consommation et de la privatisation à outrance. Son univers est parfois assez loufoque et il est très difficile de s’identifier à ses personnages génétiquement modifiés qui versent souvent dans la caricature. Après une mise en route assez douloureuse, on se laisse finalement happer par cette histoire. Le langage de Thomas Gunzig est parfois cru et le point de vue trop masculin à mon goût mais j’ai tout de même réussi à l’apprécier.

J’ai entendu l’auteur dire qu’il s’était beaucoup documenté pour écrire cet ouvrage et cela se ressent ! Tous les mots-clés que doit connaître un gourou du marketing s’y retrouvent ! Le narrateur pense littéralement comme un product manager obsédé par la chasse aux parts de marché. De plus, j’ai été particulièrement stupéfiée par la prolifération des marques à travers les pages : toutes celles qui comptent aujourd’hui apparaissent à un moment ou un autre (Apple, HP, MacDonald’s, Ikea, Nike, Samsung, …). A tel point qu’on pourrait se sentir noyé par leur abondance (si Thomas Gunzig a voulu faire du placement de produits, ça doit lui rapporter gros 😉 !). Pourtant, les marques semblent être les points d’ancrage des personnages qui ne peuvent plus penser à un objet autrement que par sa marque ou son modèle. Cela ajoute encore un peu plus de froideur à ce monde triste et gris où les valeurs humaines semblent doucement disparaître.

Soyons honnête, au début de ma lecture, je n’aimais pas ce livre ! Puis, peu à peu, j’ai appris à apprécier l’écriture de l’auteur, à savourer ses bons mots, son humour et ses clins d’œil pour finalement m’attacher à ses personnages, tellement peu habitués à réfléchir par eux-mêmes et à ressentir qu’ils ont l’air si étonnés quand cela leur tombe dessus.

Donc, si vous souhaitez lire quelque chose qui sort un peu de l’ordinaire (et qui fait quand même un peu peur, cf. le dernier chapitre), je vous conseille ce roman ! Autant vous prévenir, il est loin d’être joyeux donc évitez-le si vous êtes déjà au bord de la déprime… Et puis, dernier argument, l’auteur est Belge [et il paraît que le Belge est à la mode en ce moment] donc avec ce livre, vous serez au top de la tendance ! 😉

Merci à Babelio pour cette jolie découverte de la rentrée littéraire !

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